Independence Day
20th Century Fox

Le film catastrophe avec Will Smith et Jeff Goldblum revient ce soir à la télévision.

A l'occasion de la rediffusion d'Independence Day sur TFX, ce dimanche, nous republions notre sujet consacré à l'impact du film de Roland Emmerich dans la pop culture des années 1990. 

Article publié durant l'été 2015, dans le cadre du dossier 40 ans de blockbusters : Faire une série B avec le budget d'une série A. On connaît la formule du blockbuster et rarement elle aura atteint sa forme la plus parfaite avec Independence Day, film d'invasion alien cocardier - La Guerre des mondes version 90's, à l'aide des SFX en numérique lâchés sur la planète cinéma par Terminator 2 et Jurassic Park. Le pitch d'ID4, Roland Emmerich en a eu l'idée en pleine promo de Stargate en papotant avec son scénariste Dean Devlin et un journaliste sur l'hypothèse de la vie alien. Peter Chernin, boss récemment promu à la tête du cinoche 20th Century Fox, valide le projet. L'invasion de la Terre par des ET belliqueux pilotant des soucoupes volantes grandes comme des putains de ville. L'affiche française est épatante d'évidence, avec la silhouette titanesque du vaisseau menaçant New York et la tagline la plus efficace façon grosse caisse (enregistreuse) de toute l'histoire des slogans. "Un seul abri : le cinéma le plus proche." Venez voir les aliens faire péter la Maison blanche ! criait la bande-annonce diffusée pendant le Super Bowl et payée à prix d'or par la Fox, dont le service marketing a eu le génie des slogans. "Ne prévoyez rien en août." "On a toujours cru être seuls dans l'univers. Le 4 juillet, on va prier qu'on le sera." Des phrases imprimées sur de grandes banderoles et trimballées par hélicoptère au-dessus de Los Angeles dans les mois précédents la sortie. Un marketing carpet bombing justifié par la vitesse accélérée de préparation du film (quatre semaines d'écriture, 72 jours de shooting), urgence accrue par la nécessité de la Fox de faire un carton, le studio étant en manque de hit depuis 1993 et Madame Doubtfire.

 

Independence Day : comment Roland Emmerich a-t-il fait exploser la Maison Blanche ?

En tout, la campagne promo d'ID4 coûte une somme énorme (entre 24 et 30 millions) en plus de son budget de 75 millions de dollars de l'époque (114 millions d'aujourd'hui, dans la moyenne basse des blockbusters qui coûtent plutôt 150 millions). L'Armée américaine retira son soutien logistique promis à cause des scènes se déroulant dans la Zone 51. Le film sort donc le 3 juillet, la veille du week-end du 4 juillet qui fête l'indépendance américaine. Et ID4 -le surnom est trouvé parce que Warner détenait les droits du titre Independence Day- sera le plus gros hit de 96 aux USA comme sur toute la planète, loin devant Twister et le premier Mission : Impossible. Et ce sera le plus gros hit yankee de la Fox hors Star WarsAvatar et Titanic. Will Smith confirme son statut de star après le hit Bad Boys l'année d'avant. En décembre 96, Mars Attacks ! (dont les scènes de la Maison Blanche ont été tournés dans les décors d'Independence Day) de Tim Burton, copie quasi conforme d'ID4 mais version comique, est par contre un coûteux échec pour Warner.

Jeff Goldblum vs. Jeff Goldblum : la théorie du complot

Vingt ans plus tard, que reste-t-il du film? Les studios ont surtout retenu que la finale du Super Bowl est le créneau rêvé pour placer des teasers de films (encore aujourd'hui le rendez-vous est incontournable). Le premier acte reste d'une efficacité assez redoutable. Les empreintes de pas de Neil Armstrong sur la Lune effacées par les vibrations du passage des vaisseaux aliens (vraie belle idée de cinéma), les lettres du titre balancées à la gueule du spectateur (effet 3D en 2D), le vaisseau qui surgit du nuage, l'inexorable tension mondiale qui monte, qui monte, qui monte... Jusqu'au moment où les aliens font tout péter et honnêtement, aujourd'hui, les SFX du "Mur de la destruction" sentent un peu la naphtaline -les différences de vitesse entre deux effets au sein d'un même plan sont souvent flagrantes. Emmerich pioche à mort dans Spielberg sans en avoir sa finesse. Comme par exemple le personnage de Jeff Goldblum, Juif-divorcé-mais-encore-fidèle flanqué de son père sentencieux, mi-Mel Brooks mi-Joe Pesci. Et puis la fin avec des dogfights tous droits sortis de Star Wars entre F18 et chasseurs aliens, où l'on réalise (comme c'est commode) que le président US était un ancien pilote de la Navy. Voilà les USA devenus champions de la race humaine. Emmerich étant allemand, tant d'enthousiasme patriotique ne doit pas être pris au premier degré, mais quand même. C'était le retour de la machine de guerre yankee que toutes les télés du monde ont vue à l'oeuvre pendant Desert Storm (et sa suite Desert Storm II). C'était le temps béni pré-11-Septembre où l'on chantait des louanges à la puissance de feu US et où l'on pouvait faire exploser un immeuble entier sans que cela ne pose problème. Après, seul Man of Steel en 2013 osera convoquer l'image-trauma de la chute des tours, et encore ce choix fut-il fort critiqué par les médias US.

Grâce au carton ID4, Emmerich est devenu le monsieur fais-tout-péter-Simone du cinéma US. Godzilla, Le Jour d'après10 000 (échec en salles), jusqu'à l'affreux mais très rentable 2012, carrément autoparodique mais qui fait la fortune des chaînes télé où il est multi-rediffusé. Les points communs : budgets et ambitions pharaoniques, sens du spectacle plus ou moins inspiré, money shots en cascades, personnages en mousse et dialogues navets. Il se permet quand même des exceptions comme The Patriot (son chef-d'oeuvre) avec Mel Gibson, et le joli Anonymous, relecture conspirationniste de la vie de Shakespeare. Jusqu'au gros flop de White House Down en 2012, où un guide touristique présente une pièce et dit "voilà le bâtiment qui explose dans Independence Day". Pris de vitesse par le carton de La Chute de la Maison blanche produit précipitamment par Millennium et sorti trois mois avant White House Down, le Emmerich, Die Hard à la Maison blanche beaucoup trop cheesy 90's, se casse la figure. Depuis, Roland a emballé le tout petit Stonewall, sur les émeutes gay des 70's à NY. Comme pour des vacances, juste avant de rempiler pour Independence Day Resurgence, la suite d'ID4 sans Will Smith qui dont la sortie est fixée en 2016 pour les vingt ans du premier film. Le premier titre de travail de Resurgence était ID4Ever. For ever : pour toujours, à jamais. Comme a dit Roland à son scénariste : "Tu sais Dean, au moment de notre mort, on sera pour toujours les mecs qui ont fait Independence Day".

Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)

Bande-annonce d'Independence Day :


Will Smith n'est pas heureux de son sort dans Independence Day