Amours chiennesC'est le rituel. Le passage obligé. Chaque festival doit avoir son film choc, son film-scandale. Cette année, il est arrivé vite, puisque Heli peut tranquillement concourir pour la palme du film le plus radical de 2013 (OK, pour l'instant et ce n'est que le premier film). On reprend. Sous son allure d'ouvrier mexicain ordinaire, le jeune Heli a des soucis : sa femme se refuse à lui et sa petite soeur sort avec un troufion qui a la mauvaise idée de piquer de la coke à un cartel. Evidemment, ça va mal finir. Malgré ce sujet efficace, le réalisateur de Los Bastardos en 2008 (24 heures de la vie de tueurs prolos) réalise, en fin de compte, l'archétype du film d'auteur suffisant, programmé donc pour être le « premier choc cannois de la sélection officielle ». Juste après Baz Luhrmann et le swing 3D de son Gatsby, Heli tape d'autant plus dur. Dès son ouverture (le visage d'un kidnappé écrasé par une ranger), le film enchaîne des scènes atroces, ultraviolentes et assez complaisantes. Exemples : au cours d'un entraînement, un soldat doit ramper dans son vomi, avant qu'on le menace de lui plonger la tête dans des latrines où un de ses camarades vient de faire ses besoins. Un peu plus tard, un chiot tout mignon se fait briser la nuque avant qu'un homme se fasse brûler le pénis à l'essence. A ce sujet, on se posait d'ailleurs la question pendant la projo : les spectateurs ont-ils été plus secoués par la scène du clebs ou par celle de la bite ? En tout cas, les cris semblaient plus forts et remarquables pendant la torture canine, ce qui en dit peut-être long sur l'échelle des valeurs des festivaliers. Bref. On sera juste avec le Mexicain. La longue scène de torture du voleur de drogue comme celle, très brève, du chien sont effectivement insoutenables. Et ?Désert d'ennuiRien. Et on aurait bien aimé que cette surenchère de violence ait un sens. C'est là que le problème d'Heli, plus global, se manifeste. De l'ultra-violence, de très longs plans-séquences où il ne se passe pas grand chose... et qui ne veulent rien dire ? Quelles sensations sont censées provoquer ces étirements de la durée ? Comme (parfois) chez Carlos Reygadas, co-producteur d'Heli, dont Escalante a été l'assistant sur Bataille dans le ciel et qui partage avec son compatriote le goût d'un cinéma radical, spectaculaire par son minimalisme et sa violence, on s'ennuie ferme. A l'exception d'une belle scène documentaire où la police brûle un stock de drogue au cours d'une opération promo devant des journalistes, le film ne fait que dans l'épate-bourgeois et accumule les tics d'oeuvres festivalières. C'est le pire : cette désagréable impression qu'Escalante filme en longs plans-séquences parce que c'est la norme du film d'auteur (ses plans ne sont ni élégants, ni même remarquables techniquement). Et si Heli évoque un Mexique pourri où les flics et les gangs sont semblables, c'est une vision fugitive. Le cinéaste préfère jouer au malin et procéder comme le Haneke doctoral de Funny Games : imposer sa lecture univoque de l'image au spectateur ; montrer, longtemps, des choses horribles qui ont pour obligation de choquer et de mettre son public dans la position un peu cradingue du voyeur. Une certaine définition de l'Hélitisme ?Sylvestre Picard
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- REVIEW - Heli est-il vraiment le premier choc de Cannes 2013 ?
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