penny dreadful city of angels
Justin Lubin / Showtime

Après la brillante série victorienne portée par Eva Green, cette nouvelle histoire macabre explore avec une classe folle le Los Angeles des années 1930, entre Nazisme, racisme et magie noire.

Adieu London, bonjour L.A. Six ans après sa première série Penny Dreadful, le créateur John Logan revient avec une toute nouvelle proposition, qui n'a plus grand chose à voir avec l'ambiance victorienne brumeuse dans laquelle se perdait Eva Green. Terminé le "Fog" londonien dissimulant des créatures sordides, tout droit sorties de la littérature anglaise. L'histoire traverse désormais l'Atlantique et prend place dans le décor brûlant de la Californie.

Autre endroit, autre époque, autres moeurs : City of Angels, qui commence ce soir en prime time sur Canal +, se déroule au coeur des années 1930, en pleine montée mondiale du Nazisme. Alors qu'un projet d'autoroute menace de détruire entièrement le bidonville où s'entassent des milliers d'immigrants mexicains, Tiago Vega intègre les rangs de la Police de Los Angeles. Il devient le tout premier "Chicano" à porter l'insigne. Et très vite, il va se retrouver dans le feu de l'action : avec son vieux partenaire, ils vont enquêter sur le meurtre d'une famille de riches blancs. Un crime morbide, qui porte la marque du culte de la Santa Muerte...



Comment naviguer entre ses racines, sa famille, son clan, et son intégration au sein d'une police ouvertement raciste, qui méprise les minorités ? Le tiraillement au coeur de ce nouveau Penny Dreadful résonne étrangement avec notre actualité et les thématiques du scénario semblent malheureusement toujours aussi vivaces, un siècle plus tard. Mais on ne peut pas simplement résumer City of Angels au conflit ethnique qui jalonne le parcours de l'Inspecteur Vega. Parce qu'il se passe beaucoup de choses dans cette série incroyablement riche, qui parle tantôt d'un Hitler lorgnant vers la côte ouest de l'Amérique, tantôt de la corruption parmi les politiques locaux, tantôt des gangs qui tentent de se faire une place au soleil à coup de rasoir, et même aussi de l'influence folle des évangélistes puritains prêchant la bonne parole. City of Angels, c'est l'exploration d'une décennie sous tension, d'une cité au bord du chaos. Un brasier sur lequel souffle avec fourberie une étrange déesse du mal nommée Magda. Un démon qui apparaît sous différentes formes au fil des épisodes, pour tirer les hommes vers leur côté le plus obscur.

Dans la peau de cette pousse-au-crime néo-gothique, Natalie Dormer est tout bonnement étonnante. La séductrice de Game of Thrones dévoile une facette de son talent qu'on ne soupçonnait pas, incarnant une demi-douzaine de tentatrices réjouissantes, arborant un instant un drôle d'accent allemand, avant de se tapir derrière de petites lunettes rondes, pour murmurer à l'oreille d'un conseiller municipal douteux. Avec elle, c'est tout le casting qui brille dans une atmosphère flirtant admirablement entre surnaturel et composition historique. Avec ses faux airs de Johnny Depp époque 21 Jump Street, le jeune Daniel Zovato parvient sans mal à charmer l'objectif, et son association avec la star de Broadway, Nathan Lane (deux fois sacré aux Tony Awards), fonctionne à plein. Ce duo hyper-classique du jeune loup qui apprend les ficelles du métier aux côtés du vieux sage, nous entraîne avec panache dans les rues d'un Los Angeles saisissant, à l'ambiance Art Déco tellement emblématique de l'époque.

penny dreadful city of angels
Showtime

Une ode à la légendaire cité californienne qui prend la forme d'une reconstitution minutieuse, et fait un clin d'oeil appuyé aux classiques références du genre. Tout en assumant ses rebondissements de telenovela, le nouveau Penny Dreadful lorgne indéniablement du côté de James Ellroy, quand l'ancien se prévalait plus certainement d'Oscar Wilde ou de Mary Shelley. On s'attend à voir débarquer à chaque seconde Jake Gittes (de Chinatown, 1974) ou Philip Marlowe (du Grand Sommeil, 1946), clope au bec et Fedora vissé sur la tête...

C'est clair, City of Angels n'a pas grand chose à voir avec la série de 2014, aussi bien sur le plan esthétique que narratif, et les fans de la première heure seront probablement déroutés par l'audace de John Logan. Moins "Dreadful", mais plus classe, moins gothique, mais plus électrique, cette nouvelle variation fantastique jouit de la même ambition cinématographique éblouissante. Alors pour peu qu'on accepte de voyager vers le grand ouest, le Penny 2020 saura vous ensorceler, aussi sûrement que son prédécesseur.

Penny Dreadful City of Angels, saison 1 en 10 épisodes, à voir en France sur Canal + chaque jeudi soir.