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Vous vous souvenez de La Famille Ramdam ? 

Pour sa huitième édition, le festival Séries Mania avait initié un nouveau rendez-vous, Séries Mania Culte, qui proposait de célébrer quelques pépites de l’histoire de la télé, des Simpson à Queer as Folk, en passant par Urgences ou Masters of Horror. Le journaliste de France Inter Benoît Lagane en avait profité pour concocter un programme nostalgico-pédagogique intitulé « La France tranquille ? », autour de deux séries françaises des années 80 : le doudou mitterrandien Pause Café (starring Véronique Jannot) et, plus rare, un "Cosby Show français" oublié : La Famille Ramdam, louable tentative de M6 de créer sa propre sitcom familiale en 1990. Ces tribulations d’une famille d’origine algérienne, qui s’interrogeait sur des questions de société (drogues, homosexualité, immigration…) entre deux salves de rires enregistrés, furent diffusées tous les samedis soirs à 20h, pendant une saison de 40 épisodes. Créée par « des cinéphiles fans de Woody Allen, mais également vraiment amoureux de la télé » (dixit aujourd’hui son producteur Paul Rosenberg), La Famille Ramdam se voulait à la fois plus réaliste et plus funky que Maguy et Marc et Sophie, les deux sitcoms franchouilles qui dominaient alors les audiences et trustaient les pages de Télé 7 Jours.

En partenariat avec l’INA, trois épisodes de La Famille Ramdam ont été montrés à Séries Mania. On pensait faire de la pure archéologie télé, et c’était effectivement un voyage dans le temps, mais on a surtout retenu de cette projection beaucoup moins poussiéreuse que prévu l’incroyable tempo du show, toujours efficace 27 ans après, la finesse de son écriture et de ses gags, et – en plus de la présence d’une toute jeune Maïwenn Le Besco en petite sœur Ramdam – le portrait d’une France manifestement moins crispée qu’aujourd’hui, où une famille d’origine maghrébine pouvait réfléchir à ses questionnements identitaires entre deux vannes bien chaloupées, le tout rythmé par le Groove is in the heart de Deee-Lite. En attendant une hypothétique intégrale DVD (certains épisodes ont disparu de la circulation, et on n’a même pas trouvé une photo de la série digne de ce nom pour illustrer cet article), on a discuté quelques instants, juste avant la projection, avec l’acteur Mehdi El Glaoui (par ailleurs icône télé éternelle grâce au feuilleton Belle et Sébastien), pour évoquer cette utopie cathodique oubliée.

Première : Pour commencer, je dois avouer que je n’ai jamais vu La Famille Ramdam
Mehdi El Glaoui :
Vous connaissez le pitch ? Ça commence toujours par une séance de psy. Je joue un jeune médecin qui a eu la mauvaise idée d’installer son cabinet sur le même palier que ses parents. Du coup, il a plein de problèmes, il va se confier à sa psy, et la psychanalyse lance l’épisode. C’était assez sympa comme concept. Bon, après, j’avoue que comme j’ai tourné ça en 1990, je ne me souviens pas de tout…

Comment avez-vous réagi quand on vous a proposé de venir présenter La Famille Ramdam ?
C’est la première fois qu’on me demande d’en parler ! J’étais assez surpris et heureux, parce qu’en général quand on me convoque pour ce genre de réunion, c’est pour parler de Belle et Sébastien ou du Jeune Fabre. Déjà, à l’époque, cette série était une grande fierté, c’était couillu de parler de l’insertion des Maghrébins en France de façon pas du tout caricaturale. Je tire mon chapeau aux producteurs et à M6. Les Ramdam était une famille intégrée, avec un fils médecin, on était loin du cliché du rebeu voleur. Pour l’époque, c’était courageux. Et ça soulignait le décalage qu’il peut y avoir entre la réalité et les caricatures qu’on fait des enfants d’immigrés. Beaucoup se sentent Français à 300%. Moi, je m’appelle Mehdi El Glaoui, mais je me sens très peu marocain, je n’ai jamais eu le sentiment de ne pas être intégré. Avec tout ce qui se passe aujourd’hui, la série a un écho très particulier, c’est assez passionnant.

Les programmateurs de Séries Mania en parlent comme d’un Cosby Show francais…
J’espère que je ne vais pas finir comme Bill Cosby… La comparaison s’arrête là ! (Rires) Mais c’est vrai qu’il y avait un peu de ça. Avec quand même des problématiques et un humour très français. Moi, à l’époque – et encore aujourd’hui, d’ailleurs – j’avais du mal à sortir de l’image de Belle et Sébastien

Et ça avait changé le regard qu’on portait sur vous ?
Tout à coup, la communauté maghrébine a découvert que j’avais des racines marocaines. C’était pas forcément écrit sur ma gueule. Je me retrouvais avec plein de nouveaux fans. J’étais heureux, parce que ça donnait une fierté à des gamins qui s’appelaient Mohammed, à qui certaines choses paraissaient inaccessibles et qui se disaient soudain qu’ils pourraient devenir médecin, ou acteur. J’avais une double culture, une double identité, mais c’était naturel, pas revendiqué, je ne me vivais pas comme un porte-drapeau.  

J’imagine que c’était d’autant plus fort que, avec Belle et Sébastien, vous étiez un emblème de la France des Trente Glorieuses…
Bien blanche !

Au panthéon de l’histoire de France…
Oui, en tout cas au panthéon de la SFP et de l’INA. Bon, j’ai fait plein d’autres choses aussi, j’ai joué pour Corneau dans Le Cousin… Mais La Famille Ramdam, c’est vrai que c’était particulier.

Quand on vous a proposé la série, l’ambition politique et sociale était totalement revendiquée ?
Politique, je ne sais pas, mais sociale, oui. C’était produit par Vertigo, la boîte de Black Mic-Mac et La Vérité si je mens ! Ils avaient envie de rigoler en parlant de différences culturelles. Je ne pense pas que c’était politique à proprement parler, ils avaient juste capté que la France était multiculturelle et qu’il était temps de le montrer.

Ça avait l’air plus simple à l’époque…
J’en suis pas si sûr. Mitterrand était au pouvoir depuis 81, on pourrait croire que c’était plus ouvert, mais du côté des chaînes de télé en tout cas, c’était encore très sclérosé. M6 avait eu du courage de se lancer dans cette aventure. 

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