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On se demandera longtemps pourquoi le sélectionneur en chef de Cannes a privé de compétition ce film qui, de la première à la dernière image, mérite une visibilité et une reconnaissance maximales. Non que la section Un certain regard où nous l’avons découvert ait quoi que ce soit de déshonorant. Mais on imagine volontiers le jury de Nanni Moretti, carbonisé par un palmarès globalement inepte, contradictoire et rétrograde issu, paraît-il, de ses infernales délibérations, reconquérir sa dignité en rendant unanimement les armes devant : 1) l’interprétation foudroyante d’Émilie Dequenne dont rien, depuis Rosetta, ne laissait deviner ce qu’elle dégoupille ici ; 2) un scénario qui, telle une plante carnivore à la séduction trompeuse, laisse entrevoir le meilleur à son personnage avant de le vider goutte à goutte de son suc vital ; 3) la sûreté toujours plus maîtrisée avec laquelle le jeune Belge Joachim Lafosse continue de décliner le thème de l’innocence vénérée, puis manipulée, puis sacrifiée. Sans doute moins audacieux que son précédent fi lm, Élève libre (2009), À perdre la raison renonce à toute espèce de (talentueuse) provocation et abat ses cartes dès le départ : ça va finir très mal. Dans cette chronique impitoyable d’une tragédie annoncée, c’est avec une sorte de fascination désolée que le réalisateur démantibule les mécanismes de la tyrannie, de la manipulation et de la servitude domestiques. Entre constat, cri de haine face aux dérives de « l’esprit de famille » (le tandem Niels Arestrup/Tahar Rahim est, à ce titre, cauchemardesque) et exercice de tension psychologique chauffé à blanc, le choc est terrible.
Toutes les critiques de A perdre la raison
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Bien au delà du fait divers dont il s'inspire, le nouveau film de Joachim Lafosse se vit comme une sublime et déchirante tragédie, dont l'issue nous est révélée - avec beaucoup d'intelligence - dès les premières minutes. Outre la justesse du regard portée sur cette femme en perdition, on admire l'intensité d'Emilie Dequenne, stupéfiante de bout en bout.
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Même si le sujet peut choquer, même en fiction, cette tragédie moderne, chronique de morts annoncées, est d'un puissance cinématographique réelle. Par l'angoisse qu'elle distille, crescendo, et la violence infernale qui asome le spectateur sans dérobade possible. et Surtout Emilie Déquenne y est stupéfiante.
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Tendre et décalée, cette comédie trouve son rythme autour de ses personnages adultes, tous un peu perdus bien que cernés d’amour. L’humour et l’émotion sont au rendez-vous, souvent gentils, parfois appuyés mais toujours joliment éclairés, à la lumière des années 1980 et des désarrois du quotidien. Une échappée sympathique, forte de son aimable casting rassemblé autour d’Agnès Jaoui, ici mémorable et touchante en mère juive.
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Rarement mis en scène, l’infanticide est ici donc au cœur d’un film qui omet quelques maillons importants dans la réflexion quand il ne dérange pas quelque peu en faisant passer la mère pour une victime. Mais il y a les acteurs tous extraordinaires.
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En s’inspirant d’un fait divers belge, le metteur en scène tente de nous faire comprendre, sans jamais porter de jugement, ce qui conduit des êtres humains à se comporter comme des monstres. Et nous renvoie à nos propres angoisses
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La puissance d'évocation du film, qui fait de la douceur une arme plus destructrice que la violence, est indéniable. Les acteurs y sont impressionnants d'intensité dans la retenue, la mise en scène, en caméra portée et cadrage serrés, soutenue par une musique baroque qui court droit à la mort, est oppressante à souhait.
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La narration, très elliptique, se fait aussi discrète que possible. Ce n'est pas le récit qui intéresse Joachim Lafosse, mais le mystère des êtres, enfoui dans l'épaisseur de leur silence. Le réalisateur belge, qui a déjà scruté la violence familiale dans Nue Propriété et Élève Libre, est parti d'un fait divers criminel terrible, un quintuple infanticide, et garde sa raison pour s'en approcher, sans explications facile ni jugement.