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Avec la Méditerranée, la frontière entre la Belarus et la Pologne constitue l’autre porte d’entrée européenne pour ceux qui fuient la misère et la guerre dans leurs pays en quête d’un Eldorado. Et c’est cette zone de total non- droit qu’Agnieszka Holland a décidé de raconter avec son nouveau film, récompensé à la Mostra et honni dans son pays où le Ministre de la Justice polonais d’extrême- droite l’a comparé à de la propagande nazie. Une réaction qui en dit surtout long sur le choc suscité par la découverte de cette fresque de 2h30. Une œuvre évidemment engagée mais sans verser dans la facilité manichéenne. La première heure met KO. On y suit une famille syrienne tentant de rejoindre illégalement la Suède, confrontée à des militaires polonais qui les traitent pire que des animaux (la scène où ces soldats et leurs homologues biélorusses les jettent de part et d’autre de barbelés sur lequel certains s’empalent est insoutenable). Puis Holland va dézoomer, multiplier les points de vue, montrer aussi les Polonais qui apportent leur soutien à ces populations en souffrance, y compris des militaires doutant du discours de leurs chefs les présentant comme des kamikazes terroristes. Ce faisant, elle apporte de la nuance à cette question souvent traitée de manière binaire mais sans pour autant s’effacer derrière elle. La preuve avec son parti pris de réalisation en noir et blanc qui rejoint la volonté de Garrone avec Moi, capitaine de faire du cinéma envers et contre tout, tout en mettant par ce procédé de la distance entre le spectateur et la violence brute et évitant ainsi tout sensationnalisme.