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Un nouveau film d'animation consacré aux fourmis ? Une sortie discrète pendant le mois d'août ? Voilà qui n'augure rien de bon et a de quoi laisser dubitatif. Le filon a déjà été exploité (Fourmiz chez Dreamworks et Mille et une pattes chez Pixar) et pourrait lasser. C'est au tour de la Warner de s'y coller, en adaptant The Ant Bully de l'illustrateur John Nickle.
Rien de très original dans l'idée de départ : Lucas est un gamin qui se venge sur la fourmilière de son jardin des brimades de ses camarades ; sous l'effet d'un sort, il se trouve réduit à quelques millimètres ; pour retrouver sa vraie taille, il devra apprendre à s'intégrer à la colonie de fourmis. Un soupçon de Gulliver, un brin de Alice aux pays des Merveilles, une once de Chéri, j'ai rétréci les gosses et de l'Homme qui rétrécit, le tout assaisonné à la sauce « fourmi ». Pourtant, cette impression de déjà vu laisse vite place à un spectacle de qualité, vif et rythmé. Une agréable surprise donc, qui possède des atouts pour subjuguer les enfants sans ennuyer les parents.D'abord parce qu'il s'assume comme un pur film d'action. Dépourvu de temps morts, toujours en mouvement, plein de rebondissements, il paraît reprendre les canevas de films hollywoodiens. Faut-il y voir la patte de Tom Hanks, à nouveau producteur, après l'expérience du Pôle Express? En tout cas, il est amusant de noter qu'on retrouve ici certains schémas, propres à l'acteur américain, pour caractériser l'évolution du héros. En effet, Lucas est avant tout un personnage fonctionnel, plutôt neutre, qui ne prend sa dimension de héros qu'en étant plongé dans un monde qui lui est inconnu et hostile (comme dans Seul au monde, Il faut sauver le soldat Ryan, Apollo 13), où il doit faire preuve d'adaptation (Forrest Gump, le Terminal) pour surmonter des handicaps, a priori rédhibitoires. Tom Hanks, qui n'est pas cigale, travaillerait-il à l'éducation des futurs ados qui constituent la cible privilégiée des blockbusters US ?Mais contrairement à la plupart des films destinés aux enfants, les éventuels effets comiques, plutôt réussis, ne sont distillés qu'au compte-gouttes. Il joue notamment sur les décalages de perception entre l'échelle humaine et celle des insectes. Ainsi, un simple pétard devient une véritable bombe atomique pour les fourmis. Cet aller-retour entre « macro » et « micro » contribue à relativiser les événements et nourrit un message de tolérance. On retrouve cette idée, sous une forme différente, dans la scène où "l'exterminateur" de nuisibles s'attaque aux bébêtes en écoutant le Beau Danube bleu de Johann Strauss. Son déchaînement de violence est alors atténué par la musique classique et évoque clairement l'usage que fait Stanley Kubrick de Beethoven dans Orange Mécanique. Comme dans la superbe attaque des guêpes (façon Apocalypse Now), John A. Davis, qui est réalisateur mais aussi auteur du scénario (fait assez rare dans le cinéma d'animation pour être souligné), n'hésite pas à convoquer ses souvenirs de cinéphile pour construire son film.Ainsi, à défaut d'une oeuvre totalement originale, on assiste plutôt à un assemblage intelligent de différents procédés ayant déjà fait leurs preuves, adjoints à des thèmes archi-connus (miniaturisation, organisation des fourmis, récit d'apprentissage). Seule nouveauté, le graphisme des personnages : les fourmis ressemblent à des machines particulièrement complexes, dont la finesse contraste avec la grossièreté des formes humaines. Loin d'avoir cet aspect lisse et trop parfait des héros d'animation, les personnages ont en effet ici de gros ventres ou de gros culs qui caractérisent de façon réjouissante l'Américain moyen des banlieues pavillonnaires, un peu « beauf ».Bien sûr, on ne peut échapper au couplet moralisateur sur les vertus de l'entraide, la force du groupe, l'égoïsme humain comparé à la solidarité des fourmis, etc... Mais, bien intégrées dans le cours du récit, ces petites leçons de choses, inévitables, n'alourdissent pas assez l'ensemble pour gâcher notre plaisir. Et puis, n'y aurait-il pas, plus ou moins cachée, une bonne critique de la politique étrangère de l'Oncle Sam ? Quelques situations, allusions ou formules ("Attaquer les autres, uniquement parce qu'ils sont plus faibles, c'est de la barbarie") laissent entrevoir un point de vue critique sur la société américaine, son bellicisme et son mépris de l'environnement. Pour un pur divertissement, ce n'est déjà pas mal.Lucas, fourmi malgré lui - John A Davis
Avec les voix de : en français, Alexandra Lamy, Nathalie Baye, Bruno Salomone ; et en anglais, Julia Roberts, Nicolas Cage, Meryl Streep, Paul Giamatti, Bruce Campbell, Lily Tomlin
Etats Unis, 2006 - 89 mn
Sortie en salles (France) : 9 août 2006[Illustrations : © Warner Bros. France]
Sur Fluctuat :
- Le le jeu en ligne de Lucas, fourmi malgré lui sur Ecrans, le blog cinéma.
- Voir aussi les fils bande annonce, sortie de la semaine, en salles sur le blog cinéma.Sur le web :
- Le site officiel du film
Lucas, Fourmi Malgré Lui