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par Frédéric Foubert
Toutes les critiques de Val
Les critiques de la Presse
Alors qu’on attend depuis bientôt deux ans de découvrir Top Gun 2, c’est le meilleur ennemi de Maverick qui en profite pour faire son come-back : soit Iceman, alias Val Kilmer, héros de Val, documentaire scotchant, montré l’été dernier au Festival de Cannes, et désormais disponible en VOD. Et c’est d’ailleurs dans les coulisses de Top Gun, en 1985, que le film commence : Val Kilmer, 25 ans, torse nu, physique d’Apollon, frimeur et bravache, se pavane avec ses potes acteurs devant la caméra : « On veut plus de femmes, plus de vin, plus de drogues, plus d’herpès, plus de fun et… moins de Tom Cruise ! » Flashforward 35 ans plus tard. Kilmer, fatigué, ralenti, torpillé par un cancer de la gorge, s’exprimant péniblement d’une voix robotique après une trachéotomie, entretient désormais sa légende fanée en cachetonnant dans des séances de dédicaces pour les fans de Batman, ou lors de projections en plein air de Tombstone, au fin fond du désert. Il fait parfois ça jusqu’à l’épuisement, jusqu’à manquer tomber dans les pommes, jusqu’à vomir dans une poubelle dans les travées du Comic Con. Il n’est plus que l’ombre de l’idole frimeuse qu’il fut dans les années 80. Définitivement l’anti-Tom Cruise.
Si on peut voir aujourd’hui ces images incroyables, c’est parce que Val Kilmer a la particularité d’avoir passé sa vie à se filmer, dès son plus jeune âge, poussé par une sorte de pulsion scopique et narcissique. Armé d’une caméra, il a TOUT documenté de sa vie : ses jeux avec ses deux frangins quand ils étaient gamins et rêvaient de cinéma, ses premiers pas d’apprenti comédien à la Julliard School de New York, ses débuts au théâtre (où l’on croise Sean Penn et Kevin Bacon, autres jeunes premiers eighties, en un fabuleux instantané de nos années VHS), sa vie de famille, ses balades autour du monde, les bandes démo tournées pour convaincre Kubrick ou Scorsese de l’embaucher, les tournages de la gloire (Willow, Les Doors, Batman Forever…) et ceux de la lose (L’Ile du Dr. Moreau, désastre mythique aux côtés de Brando). Dormant depuis des années dans un entrepôt, ces archives affolantes ont été confiés aux réalisateurs Leo Scott et Ting Poo, qui les entremêlent aux images du Val Kilmer d’aujourd’hui. Celui-ci offre ici un full access à ses souvenirs, ses joies et ses regrets, faisant le récit d’une « vie magique » abîmée par la maladie, un divorce douloureux, et pas mal d’erreurs de jugement – l’acteur avait, dans les années 90, la réputation d’être l’une des divas les plus casse-bonbons du cinéma US. Kilmer est désormais abîmé, hors-circuit, mais se révèle néanmoins flamboyant, d’un charme fou, dans ses tenues néo-hippies super flashy, fabriquant des scrapbooks sur le sol de son living-room, soutenu par ses enfants, qui semblent l’adorer – son fils Jack prête sa voix pour que Val puisse raconter sa vie en off à la première personne, dans un passage de témoin générationnel assez bouleversant.
On sent les réalisateurs parfois presque débordés par l’audace et l’impudeur folles de Kilmer, cherchant un centre de gravité à cette incroyable matière humaine et émotionnelle, hésitant entre le portrait empathique d’un survivant, le home- movie hagiographique et le document cinéphile halluciné. Leur modèle, on l’imagine, est Jim et Andy, qui mêlait portrait méditatif d’un Jim Carrey lessivé et promenade dans les rushs foldingues de Man on the Moon. Mais si Val (le film) est parfois imparfait, Val (l’homme) est toujours sublime : affirmant sa nature d’acteur et de bohémien absolu, entertainer jusqu’au bout des ongles, membre à vie du grand cirque hollywoodien, rappelant au monde qu’il fut Iceman, Batman, Doc Holliday, Jim Morrison, offrant pour la postérité son corps fracassé au dieu Divertissement. Peut-être que Tom Cruise, au fond, le comprend mieux que personne.