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Barry Jenkins expliquait, dans ces colonnes, au sujet de son Si Beale Street pouvait parler, que ce n’est pas parce qu’on raconte des histoires dramatiques qu’il faut avoir peur du beau. Les premiers pas dans le long métrage de fiction de Jeremiah Zagar s’inscrivent pleinement dans cette logique (on l’a même présenté comme le Moonlight de 2018 à Sundance l’an passé). En adaptant le roman éponyme de Justin Torres, Zagar, venu du documentaire, raconte le quotidien de Jonah, cadet d’une fratrie de trois jeunes garçons chahuteurs vivant en marge de la société avec leurs parents, dont l’amour passionnel vire souvent à l’affrontement violent. Le gamin de 10 ans, prenant conscience à la fois de la violence de l’existence (ses frères s’amusent plus souvent qu’à leur tour à l’intimider) et de son attirance pour les garçons, est au cœur d’un récit initiatique situé dans les années 80 dans une Amérique ployant déjà sous le poids de la crise, où il n’est plus tant question de vivre que de survivre. Mais à l’écran, le parfait usage du 16 mm, le jeu entre ombres et lumières pour faire de cet environnement aussi crasseux que nébuleux un personnage à part entière éloigne le film de la chronique misérabiliste. Sans attendre la même plénitude dans le geste cinématographique que Les Bêtes du Sud sauvage, il partage avec lui cette grâce doublée d’une naïveté qui peut fasciner ou agacer, mais ne laisse en aucun cas indifférent. On reparlera vite de Jeremiah Zagar.