Et si on révisait ses classiques avant d’aller découvrir le très beau documentaire de Laetitia Carton ?
Un carnet de bal de Julien Duvivier (1937)
Le bal comme le lieu des premiers émois. Julien Duvivier met en scène une jeune veuve qui, en retombant sur le carnet de bal de ses 16 ans, va partir à la recherche de ses cavaliers d’il y a 20 ans pour savoir ce qu’ils sont devenus. Louis Jouvet, Harry Baur, Fernandel ou encore Raimu font partie de la flamboyante distribution de ce qui constitue le tout premier film à sketches de l’histoire du cinéma français. Où, entre humour et mélancolie, le réalisateur de La belle équipe signe une très fine variation autour de cette notion de jeunesse enfuie derrière laquelle il ne faut pas forcément passer sa vie à courir. Et il en signera quatre ans plus tard un remake américain, Lydia.
L’insoumise de William Wyler (1938)
Le bal comme le lieu du scandale. Furieuse que son fiancé ait refusé de l’accompagner à l’essayage de sa robe, la jeune Julie au caractère bien trempé décide de se rendre dans une tenue écarlate au bal des débutantes, là où toutes les filles à marier sont supposée être entièrement vêtues de blanc. Et elle va, par ce geste, provoquer la rupture de ces fiançailles. Ainsi débute ce long métrage de William Wyler notamment co- écrit par un scénariste trentenaire qu’il logeait alors chez lui : John Huston. Déçue de ne pas avoir décroché le rôle de Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent, Bette Davis trouvera dans ce portrait de la fin d’un monde qui se meurt (le Sud des Etats- Unis étouffé par ses scléroses) mieux qu’un lot de consolation. Le deuxième Oscar de sa carrière, trois ans après celui de L’intruse.
On achève bien les chevaux de Sydney Pollack (1969)
Le bal comme lieu de l’humiliation. Pollack adopte Horace McCoy et entraîne Jane Fonda, Michael Sarrazin et les autres au cœur d’un de ces marathons de danse organisés dans les années 30 aux Etats- Unis où des laissés pour compte de la Grande Dépression allaient au bout de leurs limites physique en rêvant de décrocher l’argent mis en jeu. Un huis clos oppressant où comme les jeux du cirque jadis et les émissions de télé- réalité à venir, le spectacle repose sur l’exploitation d’une certaine déchéance humaine. Quatre avant Nos plus belles années, Pollack dissèque avec une cruauté assumée les dérives de la société américaine, s’appuyant sur celle d’hier pour évoquer celle qui lui était contemporaine.
Le bal d’Ettore Scola (1983)
Le bal comme témoin de l’évolution de la société. En février 81, le réalisateur italien de Nous nous sommes tant aimés découvre un spectacle du dramaturge français Jean- Claude Penchenat, né d’improvisations d’une troupe de comédiens amateurs. Et il décide de le porter à l’écran. Deux heures sans dialogue où à l’intérieur d’une salle de bal défile sous nos yeux l’histoire de la France des années 20 aux années 80 à travers les musiques qui ont rythmé ces différentes époques : tango, disco, jazz, le rock… Un exercice de style couronné de l’Ours d’Or à Berlin et de 3 César : film (ex- aequo avec A nos amours), réalisation et la musique signée Vladimir Cosma.
Les habitants de Raymond Depardon (2016)
La France comme un grand bal des témoignages. A l’image de Laetitia Carton dans son beau documentaire situé au cœur d’un petit village auvergnat, Raymond Depardon va à la rencontre de la France, loin de sa seule capitale. De la France ou plus précisément des Français à travers lesquels il raconte par son regard attentif et un travail de montage au cordeau le pays tel qu’il se vit. Loin, très loin d’une succession de micro- trottoirs sans queue ni tête. Une idée née dans la foulée des attentats de janvier 2015. Avec Depardon, la France est une fête.
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