Leur part d'entrées a été divisée par 3 en 5 ans !
L'ADRC, l’Agence nationale pour le développement du cinéma en régions, a publié cette semaine une analyse des entrées enregistrées en France au mois de septembre 2021, qui a alarmé les distributeurs indépendants. Car en les comparants aux box-offices de la même périodes de 2016 à 2020, le rapport montre que les distributeurs indépendants ont réalisé 20% des entrées en première semaine, alors qu'ils ont sorti 72% des films de septembre. En 2019, la part de marché était de 44%. Sur les quatre semaines étudiées, la PDM des distributeurs indépendants a ainsi chuté de 70%, alors que les films sortis par des studios américains ont eux augmenté de 33%.
"Il faut sauver les distributeurs de films indépendants"
Eric Lagesse et Carole Scotta, coprésidents du syndicat des Distributeurs indépendants réunis européens, et respectivement à la tête de Pyramide Films et de Haut et Court, tirent la sonnette d'alarme en publiant une tribune dans Le Monde. Ils expliquent tout d'abord en quoi consiste le métier de distributeur de film : "Les distributeurs sont les premiers à lire et investir dans les scenarii des futurs films, français ou étrangers, bien avant les chaines de télévision, régions, soficas et autres financeurs du cinéma. Lorsque le film est tourné, ils sont encore les premiers à en découvrir le montage, à le retravailler parfois avec producteur et réalisateur et orchestrent ensuite la sortie du film en salles : présentation en festivals, choix de la date de sortie et de l’attaché de presse, choix des salles et du nombre d’écrans, création des bande-annonce, affiches, dossier de presse et de tous les éléments de promotion. Tout cela sur leurs fonds propres, auxquels viennent s’ajouter les avances financières versées pour acquérir les films. Au total, leurs investissements s’élèvent à plusieurs dizaines de millions d’euros par an, récupérables pour l’essentiel sur les recettes salles. Le distributeur est le lien indispensable entre ceux qui font les films (auteurs, réalisateurs, producteurs) et ceux qui les exploitent (les salles de cinéma)."
Puis ils détaillent comment le secteur entier a été fragilisé par la crise sanitaire, les deux confinements accompagnés de plusieurs mois de fermeture des salles de cinéma ayant imposé un nouveau calendrier de sortie aux studios, et entraîné un "embouteillage" de nouveautés en cette rentrée. Sans oublier la mise en place du pass sanitaire au cinéma en juillet, qui a refroidi une partie des spectateurs cet été : "Malgré les luttes acharnées menées par l’ensemble de la filière du cinéma, les salles ont dû tirer leur rideau le 28 octobre 2020 pour ne rouvrir que le 19 mai 2021. Sept mois et demi de fermeture, 232 jours loin des salles quand quasiment tous les commerces avaient, eux, rouvert fin novembre 2020… Les cinéphiles ont dû se résigner à la compagnie de leur petit écran, bien loin de l’expérience collective. Si bon nombre de spectateurs se sont rués à la réouverture, cette embellie a été de courte durée. Leur élan a de nouveau été freiné par l’instauration du passe sanitaire que les exploitants ont dû mettre en pratique en moins d’une semaine, sans avoir le temps de faire œuvre de pédagogie auprès de leur public, quand les restaurateurs, eux, ont eu trois semaines pour le faire. Force de constater qu’un public cinéphile, assidu, passionné n’est plus au rendez-vous des films d’auteurs et les distributeurs s’en inquiètent au plus haut point : pas moins de 7 millions d’entrées perdues en juillet et août (par rapport aux années pré-covid) et des dizaines de films coupés brutalement de leur public. Chaque mois qui passe, rend leur tâche plus ardue."
Pass sanitaire au cinéma : la FNCF se sent "punie" et demande "un délai de mise en oeuvre"Ils ajoutent s'inquiéter des stratégies de diffusion des grandes plateformes de streaming, et demandent au CNC de revoir la chronologie des médias, le système actuel imposant de longs délai entre une sortie de films au cinéma, en VOD/DVD/blu-ray, puis en streaming et à la télévision. Si Netflix n'est pas directement cité, l'annonce de la mise en place d'un festival au cinéma par ce géant du streaming, a entraîné la colère des syndicats de distributeurs, ainsi que de la Fédération Nationale du Cinéma, cette semaine. Finalement, "le festival Netflix" ne se déroulera pas, comme prévu, dans des salles indépendantes aux quatre coins de la France, mais à la Cinémathèque Française, à Paris, et à l'Institut Lumière de Lyon.
"La numérisation de la société, accélérée par la crise sanitaire, tend à supprimer les intermédiaires, poursuit le communiqué, et les géants de la distribution en ligne se sont forgé un accès direct, voire incontournable, vers le consommateur, s'alarment ainsi Carole Scotta et Eric Lagesse, dans leur tribune. La tendance très volontaire de certaines plates-formes de sortir leurs « originals » sur grand écran en négociant directement avec les salles prouve combien la place du distributeur est de plus en plus menacée. (…) La crise sanitaire a bien accéléré la mutation des usages et la filière cinéma dans son ensemble doit pouvoir s’adapter à la présence des plateformes, en organisant une nouvelle Chronologie des médias afin d’encadrer leur place tout en protégeant la diversité des créateurs de leurs œuvres. C’est un écosystème savamment organisé qui a permis la préservation de la richesse de notre cinéma national, le seul à avoir su entretenir le public à la réouverture des salles le 22 juin 2020, quand les studios américains avaient décidé de reporter leurs sorties à des temps meilleurs. Nombre de pays plus dépendants du cinéma américain ont connu dans cette période de crise sanitaire, une chute encore plus grande de leurs entrées en salles, et rompu plus durablement leur lien avec le public."
Le monde de la distribution française réagit (mal) à la tenue du festival NetflixLe message insiste aussi sur la qualité des œuvres françaises sorties cette année, et l'importance de les soutenir en salles : "Notre cinéma n’a d’ailleurs jamais été aussi reconnu dans le monde entier, Palme d’or à Cannes pour Julia Ducournau avec Titane, Lion d’or à Venise pour Audrey Diwan avec L’Evènement, une large sélection de films français dans les plus grands festivals. Nombreux sont ces films, français et européens, privés de salles pendant sept mois et demi de confinement, à attendre aujourd’hui leur date de sortie. Se pose alors une nouvelle difficulté, celle de trouver un accès suffisant aux écrans, saturés par le retour des films américains à gros budget et par le grand nombre de films qui ne pouvant plus différer leur sortie garantissent ainsi aux salles une offre importante. L’action des pouvoirs publics est attendue pour permettre une meilleure régulation du marché, afin de ne pas céder à la loi du plus fort, et priver par là même le public d’une offre diversifiée. Les salles, pour lutter contre la concurrence des plateformes, doivent renforcer leur singularité, mieux éditorialiser leur offre pour se différencier. Les films ont besoin pour exister de créateurs, producteurs, distributeurs, exploitants, et de spectateurs unis et engagés afin de transmettre sereinement le plaisir unique du spectacle collectif, familial ou solitaire, un temps à l’écart de la sollicitation des algorithmes pour un cinéma non formaté, qui affirme son indépendance, ses identités, et celles de ses créateurs. Ceci afin de pouvoir continuer à ouvrir les yeux des générations présentes et à venir. Ce qui est, pensons-nous, une véritable mission d’utilité publique. Telle est la mission des distributeurs indépendants."
Julia Ducournau revient sur la Palme d’Or de Titane : "J’étais dans un état de confusion absolue"
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