Dans son troisième long métrage, le cinéaste raconte l’embrasement d’une cité après la mort d’un gamin tué par les forces de l’ordre. Rencontre.
Une cité au bord de l’explosion, un gamin tué par des forces de l’ordre… Qu’est- ce qui donne envie de se coltiner un sujet où il n’y a que des coups à prendre tant il divise la société française ?
Romain Gavras : On s’est évidemment posé cette question avant de se lancer dans l’écriture avec Ladj (Ly) et Elias (Belkeddar). Mais un élément est venu percuter notre réflexion. Quand on a vraiment mis les mains dans le scénario, on était au coeur du premier confinement et on ne savait même pas si le cinéma allait continuer ! On a donc écrit, libéré de toute pression, sans se poser la question des éventuels coups à prendre. On était dans notre bulle, guidé par une seule envie : raconter cette histoire comme une tragédie grecque
Pourquoi un tel prisme ?
J’ai été bercé par la tragédie grecque grâce à ma famille. J’ai appris à voir le monde par le symbolisme qu’elle peut créer. Et comme j’avais bien conscience que depuis La Haine, le territoire des cités a été beaucoup exploré au point de devenir un genre à part entière, j’ai eu envie d’une vision intemporelle éloignée donc du simple fait divers.
Vous vous souvenez justement de votre découverte de La Haine ?
Comme si c’était hier ! Mathieu (Kassovitz) était notre voisin du dessus. Avec Kim (Chapiron) et Ladj, on avait 12 ans et ce film nous a directement parlé par sa mise en scène et ses intentions de cinéma. C’est pour ça qu’il n’a pas pris une ride même s’il s’inscrivait pleinement dans son époque. Il n’est pas purement sociétal
ROMAIN GAVRAS ELECTRISE LE FILM DE BANLIEUE AVEC ATHENA [CRITIQUE]Quels autres films racontant la cité et les banlieues vous ont depuis particulièrement marqué ?
Les Misérables, évidemment ! Un tour de force car alors il n’était sur aucun radar, Ladj a réussi un film qui a embarqué tout le monde. J’ai adoré Gomorra aussi. Par contre, côté américain, je ne vois aucun film qui ait été un marqueur comme La Haine. Car même si j’adore Boyz n’ the hood ou Menace 2 Society, ils ont pris un sacré coup de vieux…
Vous vous êtes replongé dans certains de ces films pendant l’écriture ?
Non car on connaît par cœur ce territoire pour y naviguer depuis des années. On a bien regardé des films… mais précisément a priori totalement éloignés de notre sujet. Car on voulait sortir Athena du genre dans lequel on pourrait spontanément le classer.
Quels films en particulier ?
Ca va de Ran à Gladiator, du Seigneur des anneaux au Fils de Saul. Ce dernier a joué un rôle essentiel pour nous dans sa manière de raconter le hors- champ. Or le hors- champ constitue un élément essentiel de la tragédie où l’acteur fondateur de la violence n’est jamais montré. Dans Athena, c’est la même chose : on ne voit jamais la vidéo, dont le reste du film va découler et c’est le personnage de militaire incarné par Dali (Benssalah) qui la raconte et l’explique.
Et pourquoi avoir choisi Dali Benssalah pour jouer ce militaire ?
Je l’ai vu dans le clip Territory de The Blaze que mon producteur a produit. C’est un acteur qui peut tout faire et il y en a peu qui peuvent aller comme lui de l’action à l’émotion. Pour moi, c’est le Denzel Washington français. Il a un charisme incroyable. Et une technique hors pair, indispensable sur ce film très chorégraphié. Ici c’est le comédien qui suit la caméra, pas l’inverse. Sans technicité, ça ne marche pas. Et Dali le fait avec une décontraction incroyable.
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