Families Like Ours
Studio Canal

Le Danemark évacué dans un futur proche par la montée des eaux ? Le réalisateur nous avoue que cela n'a rien de scientifique. Mais là n'est pas la question : "On a surtout voulu construire une expérience sociologique".

C'est la série choc de ce début d'année. Lancée ce lundi sur Canal +, Families Like Ours va raconter au fil de 7 épisodes le destin de familles chamboulées par un exode massif. Alors que la montée des eaux menace, le gouvernement du Danemark décide d'évacuer sa population. Voilà 6 millions de réfugiés climatiques, contraints de refaire leurs vies dans le reste de l'Europe. Une histoire que Thomas Vinterberg, réalisateur acclamé de Drunk (2020), Festen (1998) ou La Chasse (2012), a imaginé il y a 7 ans, lorsqu'il résidait à Paris. 

"À l'époque, le monde était très différent. Il n'y avait pas encore eu la pandémie, ni la guerre en Ukraine" confie le cinéaste, rencontré par Première. "J'ai commencé à parler de cette idée autour de moi, à mes proches, un peu comme l'on présente sa nouvelle fiancée à sa famille. Mais personne n'était convaincu. Beaucoup m'ont dit que c'était tiré par les cheveux, un peu fou. Sept ans plus tard, voilà qu'on me dit que la série est dans l'air du temps..." rigole Vinterberg, qui raconte que le concept lui est venu alors qu'il ressentait une certaine solitude dans la ville lumière : "J'adore venir à Paris, mais je ne suis pas le seul et c'est un peu le problème de cette ville, qui accueille chaque jour tellement de visiteurs étrangers. Cet afflux met la ville sous pression en permanence et c'est un peu ce que j'ai ressenti en me rendant à mon petit café du coin. J'y allais tous les jours, pendant des mois, et jamais ils ne me reconnaissaient (rires). Cela n'incite pas vraiment au dialogue. Je me suis senti isolé dans cette ville étrangère. Ma famille me manquait. C'est cette émotion qui a nourri la création de la série. L'idée qu'on prend les petites choses du quotidien pour acquises. Mais que se passe-t-il quand tout ça nous est retiré ? Qu’est-ce que ça donnerait si nous, et pas les autres du reste du monde, perdions tout ce que nous avons ? L’expérience de la série consiste ainsi à priver des gens privilégiés de leurs privilèges, pour voir comment ils se comportent."

Families Like Ours
Studio Canal

Le réalisateur, qui a fait ici sa toute première série, utilise donc la crise climatique comme le point de départ d'un chaos général. La montée des eaux n'est pas une fin en soi dans la série, seulement un biais pour mieux observer les gens : "On a parlé à plein d'experts de ce qui pourrait arriver climatiquement parlant, des scénarios envisageables pour le Danemark. Et on nous a dit que non, ce n'était pas vraiment réaliste", s'amuse Thomas Vinterberg, qui n'avait, de toute façon, pas l'envie de mettre en scène une dystopie clairvoyante, mais plutôt "une expérience sociologique, dans laquelle on étudie le comportement humain face à des choix existentiels, de la manière la plus réaliste possible. Notre véritable focus était de déterminer comment les Etats réagiraient face à cet afflux de réfugiés. Quels statuts existent en France, en Roumanie ? C'est surtout sur cet aspect qu'on a voulu être crédibles. C'est aussi pour cela qu'on a fait le choix de ne pas faire une série catastrophe, en montrant une énorme vague qui viendrait engloutir Copenhague. On sait que, de toute façon, si ça devait arriver un jour, si la montée des eaux devait submerger le Danemark, le pays serait déjà évacué depuis longtemps, de manière ordonnée et calme. C'est ce qu'on montre."

Families like Ours
Studio Canal

L'idée de la série n'est donc pas de prédire l'avenir en tirant une quelconque sonnette d'alarme. "Mon but n'est pas de choquer les gens. Je n'ai jamais l'intention de transmettre un message à travers mes œuvres. Il ne faut pas chercher à y voir une prise de position politique, même en filigrane" insiste Thomas Vinterberg. Ceci dit, le réalisateur avoue qu'à chaque nouveau projet, il apprécie "embrasser le chaos, décontenancer et en même temps célébrer la solidarité. J'aime mettre en perspective l'individu par rapport au groupe et je trouve toujours plus excitant que le groupe vive de manière chaotique. C'est vrai que c'est assez récurrent dans ma filmographie. J'ai grandi dans les années 1970 dans une communauté hippie où il y avait un grand sens de la solidarité. Ils faisaient les choses ensemble. Prenaient des risques ensemble. À chaque fois, j'aime mettre mes personnages à l'épreuve de la solidarité. Comment réagiriez-vous face à une telle crise ?"

Au bout du compte, pour Thomas Vinterberg, il ne faut surtout pas voir dans Families Like Ours une vision sombre du monde d'aujourd'hui. Le réalisateur assure ne pas "songer au futur de l'humanité de manière pessimiste. Au contraire. Certes, une certaine empathie tend à disparaître en temps de crise et laisse place au chacun pour soi. Mais quand la crise s'estompe, je crois que l'empathie revient naturellement. Elle est ancrée dans la nature humaine. On reste des créatures sociales. Et c'est ce qui me donne vraiment espoir. Maintenant, la série parle aussi de la crise climatique et les récents éléments scientifiques ne donnent pas vraiment de raison d'être optimiste. On a du mal à accepter les efforts à faire. Tout le monde a sauté dans un avion dès que la pandémie a pris fin. Ceci étant dit, là encore, je crois que l'humanité a cette capacité à se réinventer, à s'adapter, quand elle est dos au mur... Là est l'espoir je crois."

Families Like Ours, en 7 épisodes, à voir chaque lundi sur Canal +.