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Ritesh Batra possède cet art délicat de savoir raconter et partager des romances à l’écran. Un genre trop souvent considéré comme mineur mais qui, chez lui, tient du délice émotionnel permanent. On l’avait découvert avec The lunchbox. Il l’avait confirmé avec Nos âmes la nuit – porté par le superbe duo Robert Redford- Jane Fonda – distribué sur Netflix après sa présentation à Venise en septembre dernier. Et A l’heure des souvenirs enfonce brillamment le clou. On y suit la vie d’un senior grognon au cœur plus grand qu’il ne veut bien le montrer (Jim Broadbent, une fois encore remarquable), divorcé et père d’une fille sur le point d’accoucher, qui vit une existence tranquille dans son petit magasin de photographie de Londres jusqu’au jour où il reçoit un étonnant legs. A sa mort, la mère de son premier amour d’adolescence lui a en effet confié en héritage… le journal intime de son meilleur ami du lycée. Ce drôle de cadeau va petit à petit faire remonter à la surface des souvenirs enfouis de son passé lié à ces trois personnages. Des souvenirs si bouleversants qu’il semble avoir cherché à les chasser lui- même de sa mémoire. Construit en flashbacks et flashforwards, A l’heure des souvenirs se révèle un petit bijou de sensibilité, servi par une mécanique de précision scénaristique. Celle d’Une fille qui danse », le roman de Julian Barnes (auteur déjà porté à l’écran avec Love etc. et Metroland) adapté ici par Batra. Et où ce qu’on vit – à tort ou à raison, c’est précisément ce qui constitue tout le sel du film – comme les premières trahisons amoureuses de sa vie pousse à des gestes définitifs sans en mesurer les conséquences sur soi et son entourage, pour les années à venir. Car celles- ci semblent bien loin et infimes par rapport à la douleur insoutenable de l’instant. Voilà pourquoi A l’heure des souvenirs est un grand film romantique, y compris et surtout dans la noirceur souvent tue ou masquée que cet adjectif peut charrier.