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Dans un village perdu de Castille, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le temps s’étire, les rues sont vides, le silence pèse. La projection de « Frankenstein », un puits, une ferme abandonnée, des champignons vénéneux, le passage du train, un soldat caché : la jeune Anna, 7 ans, ouvre tout grands ses yeux et ses oreilles, sur les menus événements de la vie quotidienne. S’émerveille, s’effraie, s’identifie à la fillette du film, qui rencontre le monstre au bord de l’eau, se pose des questions qu’elle ne formule pas aux adultes. Des parents peu présents, le père préoccupé de ses ruches et de leur organisation sociale, la mère tendue vers un absent mystérieux auquel elle écrit. L’enfance de l’intérieur, ses étouffements, ses secrets, ses peurs : ce film onirique, sensuel et contemplatif réalisé en 1973 par Victor Erice joue d’un réalisme merveilleux et annonce le « Labyrinthe de Pan » de Guillermo del Toro, l’intrusion du fantastique dans le quotidien et l’opposition de l’imaginaire enfantin à la pesanteur du monde adulte.