Première
par Thomas Baurez
Partant que le passé inatteignable par nature, est un territoire à recomposer, ce survival sur fond de purge stalinienne, peut s’appréhender comme un récit d’anticipation à rebours, voire une dystopie sur la Russie d’aujourd’hui (la réalité a, en effet, rattrapé l’imaginaire des auteurs) Dans l’URSS de 1938, juste avant le grand saut vers un conflit mondiale inévitable, les autorités font le ménage dans leurs propres rangs. Le jeune capitaine Volokogonov (Yuriy Borisov, aperçu dans La fièvre de Petrov de Serebrenikov) est ainsi promis à une fin certaine pour des faits que la raison semble ignorer. Le duo de cinéastes à qui l’on doit L’homme qui a surpris tout le monde opte pour une esthétique très affirmé avec des décors sépia dont la monotonie est contrariée par une forte présence des tons rouges (habits, véhicule, objets, imagerie soviétique ...), renforçant cette idée d’un monde sous cloche. La mise en scène très animale et mobile, reste impressionnante de bout en bout, au point de pêcher par quelques excès d’afféteries de représentation. Ce que l’énergie du récit déploie et permet comme tension, est malheureusement quelque peu affaibli par un scénario qui ne parvient pas tout à fait à figurer la quête sacrificielle du héros, entre transcendance et folie suicidaire. Volokogonov entend, en effet, s’exonérer de ses fautes en obtenant le pardon de ses victimes. Un chemin de croix impossible qui renvoie autant le héros à l’absurdité d’un système aveugle qu’au déraillement de sa propre volonté.