Première
par Vanina Arrighi de Casanova
Évacuons la question d’emblée, Steve Jobs est un film dont Danny Boyle a hérité après le retrait de David Fincher. Le cinéaste britannique célèbre le patron d’Apple comme une icône pop et le met en scène comme une rock star en coulisses avant un concert. De l’autre côté du rideau, ce sont des applaudissements, des tapements de pieds et l’excitation qui monte comme la marée. Steve Jobs, le film, est un concept qui n’illustre pas la naissance, la vie et la mort du génie californien, mais tente d’en saisir la nature complexe à travers trois séquences, chacune située avant la présentation de trois produits phares – des moments "révolutionnaires" qui ont ponctué nos trente dernières années. Un dispositif à la fois brillant et évident qui dialectise l’idée de mise en scène d’un ego, et de l’envers du décor, sans pratiquement nous faire quitter les coulisses. Cette structure, c’est l’œuvre d’Aaron Sorkin, un des plus grands scénaristes et dialoguistes américains, qui sait comme personne transcender l’homme en une pensée plus large que lui. The Social Network (réalisé par David Fincher et produit par le même Scott Rudin), c’était lui, et Steve Jobs fonctionne comme une variation sur le thème : le portrait analytique d’un génie aussi odieux que fascinant. Dans son pull à col roulé noir, Michael Fassbender, impérial, magnétique et envoûtant, est habité par un rôle qui est sans conteste son plus grand.