BlacKkKlansman
Universal

D’une histoire 70’s à dormir debout, Spike Lee tire un thriller carburant (un peu trop) aux ruptures de ton.

BlacKkKlansman raconte l’histoire incroyable mais vraie d’un flic noir du Colorado qui avait réussi à infiltrer les rangs du Ku Klux Klan à la fin des années 70. Ron Stallworth (John David Washington, fils de Denzel) opérait par téléphone et envoyait un de ses collègues blancs (Adam Driver) le « représenter » quand il s’agissait de rencontrer les membres du Klan en chair et os. Ça paraît totalement invraisemblable et, de fait, Spike Lee n’arrive jamais totalement à nous faire croire que ce qu’on voit sur l’écran est réellement arrivé. Peut-être à cause des constantes ruptures de ton qui rythment le film et lui donnent cette forme chaotique, heurtée. BlacKkKlansman est tout à la fois un polar avec flic undercover, une comédie campagnarde à la Coen, un brûlot anti-Trump (avec force clins d’œil à l’actu et une coda glaçante sur les images des rassemblements racistes de Charlottesville), une dissertation méta sur l’histoire de la représentation des Noirs dans le cinéma américain (extraits de Naissance d’une nation et Autant en emporte le vent, conversations sur la blaxploitation, apparition émotion de Harry Belafonte…). Sans doute un peu trop pour un seul film. Paradoxalement, c’est aussi cette dispersion thématique et esthétique, cette incapacité de Lee à choisir entre ses activités de cinéaste et d’éditorialiste, qui font le charme bizarre, un peu malade, du film, traversé de vraies fulgurances (l’« épiphanie » du héros à un meeting du Black Panther Stokely Carmichael). Un objet finalement aussi foutraque et intrigant que… la carrière de Spike Lee elle-même.  

Frédéric Foubert

Blackkklansman sortira le 22 août au cinéma. Bande-annonce :


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