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Avec In The Fade Fatih Akin signe un revenge movie qui a divisé les festivaliers. Rencontre.

Un attentat à la bombe. Le fils et le mari déchiquetés, des néo-nazis menottés puis libérés puis traqués. Avec In The Fade, Fatih Akin signe un revenge movie coupé en trois et drivé par la blonde Diane Kruger. Comme son précédent The Cut, le cinéaste est parti d'une idée puissante (le désespoir mène à la violence extrême) mais emballé dans un dispositif trop littéral et trop manichéen pour convaincre. On a eu envie d'en discuter avec lui.

 

Qu’est-ce qui est apparu d'abord ? Le sujet de société ou l’idée du film ?

Ca change d’un film à l’autre. Pour In the fade, c’était clairement le sujet de société. Et puis, quand tu commences, le matériau prend vie et tu oublies ce que tu veux dire. Tu te concentres sur le matériau. Sur l’histoire. Sur ton film

C’était quoi le sujet de société en question ? Les kamikazes ?

Non, je voulais faire un film sur les victimes des néo-nazis. Qui sont les victimes ? Ici, c'est une mère allemande. Mais qui est-elle ? D’où vient-elle ? Quand j’ai eu ce personnage, elle est devenue plus importante que l’étincelle première du film. Progressivement, à mesure que j'écrivais, ça devenait le portrait de cette mère. C’est aussi un film sur la famille. Comme toujours quand je suis sur le scénario, le film change. Il évolue, il vit. Et c’est très bien comme ça.

Donc, d’abord les nazis ?

Oui, j’avais besoin de dire quelque chose sur les meurtres des nazis. Et la manière dont les proches des victimes gèrent le deuil. C’était ça l’idée de base. Aujourd’hui, l'histoire sur les nazis est devenue accessoire. Ca pourrait être Daech ou n’importe quoi d’autre, parce que finalement tout s'est resseré sur le personnage de Diane, qui est devenu plus important que le background politique.

Vous n'en parlez pas, mais le film est sur ce qui pousse les gens à se suicider et forcément on fait le parallèle avec le terrorisme et…

Mais non, c’est juste une des couches du film. Je ne vais certainement pas vous expliquer de quoi parle les films, vous n’avez pas besoin de mode d’emploi. C’est un film généreux, avec différents niveaux.

C'est une manière d'éviter les sujets qui fâchent cette réponse...

Non. J'ai toujours pensé que chaque spectateur peut choisir le thème qui lui parle le plus. Et que c'est pas au réalisateur d'imposer un sens à son film.

Mais VOTRE film, il est où ?

Je voulais faire un film sur l’héroïsme des mères. On peut parler de l’Allemagne, des nazis, des kamikazes… OK. Mais pour moi, le film est une ode aux mères. Le job le plus compliqué du monde ! A côté faire un film est un jeu d’enfants.

Comment passe-t-on d’un film sur les nazis à une ode aux mamans ?

Quand tu t'informes sur terrorisme, tu entends des choses sur le terroriste. « C’était Abou je-sais-pas-quoi…, il a grandi en Belgique… ». Mais on ne sait rien sur les victimes. On entend parler d’un chiffre (22 morts par exemple), mais rien sur leurs vies, leurs jobs, leurs quotidiens… Qui étaient-ils ? Comment leurs proches gèrent cette disparition ? Et ça c’est devenu principal.

Vous ne parlez pas de la forme du film.

Dès le début je savais qu’il fallait que mon film soit construit en trois parties.

Pourquoi ?

Parce que le chagrin, la peine et le deuil, ont différents niveaux. On ne vit pas un deuil sur le même niveau d’intensité. Si on veut être psychologiquement réalistes, ces sentiments se développent, vivent… C’est pour ça que j’ai fait ces trois chapitres. Et c’était aussi une idée de réalisation. La première partie est un mélodrame allemand, très sombre, noir et romantique. Je me suis inspiré de certains comics pour la lumière, les cadrages. Les graphic novels sont noirs. Très noirs. Si tu perds un enfants, tu rentres dans un monde de fantômes et de cauchemars. Cette partie là était comme ça. Noir, et hyper-esthétique

Au contraire du deuxième chapitre qui ressemble à une fiction télé, un procédural un peu neurasthénique.

Hmmm... C'est compliqué de créer de la tension dans ce genre de films. Gavras a réussi à faire ça avec Music Box par exemple. Je me suis beaucoup inspiré de ses films. Et je pouvais compter sur mes acteurs aussi…Et la dernière partie est un film de vengeance. Mais plus poétique, plus doux.

Finalement, In The Fade, c’est plus un mélo ou un thriller ?

Les deux. C’est comme un standard de jazz. Tu as un break et tu passes alors à une autre mélodie.