La sortie en salles d’un inédit de Park Chan-Wook résonne avec l’actualité du moment.
Alors que Trump et Jong-un s’entendent désormais comme larrons en foire sans que l’on sache vraiment si ce rapprochement est bon signe compte tenu de la personnalité, disons imprévisible, des deux dirigeants, la sortie de ce titre inédit dans les salles françaises de Park Chan-wook, arrive à point nommé. Tourné à la fin du 20ie siècle, JSA parle d’un lieu que les moins de vingt ans peuvent encore connaître. Soit une zone frontière ultrasensible - la Joint Security Area - entre le Nord et le Sud de la Corée, contrôlé par l’ONU, dernier relent d’une Guerre froide encore très chaude ici-bas.
ONU qui mal y pense
C’est l’histoire d’une fusillade entre quatre soldats des deux camps dans un baraquement situé du côté Nord. Que s’est-il donc passé ? Comment ces quatre-là ont-ils pu se retrouver ensemble et faire copain-copain avant de se tirer dessus ? L’incident menace d’embraser la région et une inspectrice diligentée par l’ONU est chargé de tirer ça à peu près au clair et si possible de remettre tout le monde dos à dos, histoire de ne froisser personne : « Ici on préserve la paix tout en cachant la vérité !» explique le général de la Commission des nations neutres au major Sophie Jean chargée de l’enquête, avant d’ajouter : « Ce que les deux Corées ne veulent pas, c’est que cette enquête aboutisse.» Le film dans sa construction en flash-back qui multiplie les points de vue sur un même évènement, se chargera de parasiter de l’intérieur cet aveuglement programmé. Dès lors, la caméra de Park Chan-wook peut librement enfreindre les lois du réel et traverser le pont qui sépare les deux Corée - le pont de non-retour - lieu d’un va et vient perpétuel aussi fantasmagorique que tangible.
Caméra virtuose
Dans toute sa virtuosité bluffante, JSA annonce la force dévastatrice du cinéma tortueux de Park Chan-wook, qui à partir de Old Boy et son Grand Prix cannois en 2003 va prendre une dimension internationale. La mise en scène transforme ici ce jeu du chat et de la souris, en un jeu de regards aussi intense que troublant où la place même de l’image est sans cesse questionnée. Au centre des débats, ces quatre soldats victimes d’un monde qui les dépasse, apprennent à se toucher, à rire ensemble et surtout à communiquer. JSA est un grand film de cinéma brûlant d’actualité et d’un humanisme incandescent. Indispensable.
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