DR

Il était un des grands représentants du western spaghetti.

"Mourir n'est pas la pire des choses qui puisse arriver à un homme".
C'est sur ces mots que commence la lettre que Jack Beauregard (Henry Fonda) adresse à Personne (Terence Hill), avant de prendre un bateau pour fuire l'Ouest sauvage vers l'Europe.
C'est sur ce mots que se termine l'un des plus beaux westerns (spaghetti) du cinéma. Mon Nom est personne

Et c'est précisément à ces mots qu'on pense ce matin en apprenant la mort de Tonino Valerii, le réalisateur de ce film magnifique. 

Né en 1934 en Italie, Tonino Valerii fait ses premières armes au cinéma en tant que scénariste. Il écrit d'abord Tutto e musica, le premier film du chanteur Domenico Modugno (Volare, c'est lui) puis La Crypte du vampire un film d'horreur AIP avec Christopher Lee. Mais tout commence vraiment en 1964, lorsqu'il passe assistant réalisateur de Sergio Leone sur Pour une poignée de dollars. C'est évidemment sur ce film et le suivant, Pour quelques dollars de plus, qu'il fait ses armes et mûrit toute l'oeuvre à venir.

A partir de là, Tonino Valerii oeuvrera essentiellement dans le genre et surtout le Western Spaghetti. Le jour de la colère, l'un de ses premiers longs est une histoire de transmission, la relation entre un jeune homme humilié par tout un village et un mystérieux shootist (Lee Van Cleef) qui va l'aider à se venger. Tout est là : l'atmosphère leonienne, les acteurs imposants, le dialogue qui claque ("ne jamais se mettre entre un révolver et sa cible") ainsi qu'un sens évident du maniérisme qui va l'amener à pousser le western spaghetti dans ses derniers retranchements esthétiques et philosophiques.

L'adieu au western

Il y aura ensuite Texas, variation westernienne sur l'assassinat de Kennedy, La Horde des salopards (avec James Coburn et Bud Spenser) mais surtout, Mon nom est Personne, donc, l'un des plus beaux westerns jamais réalisés. On sait que Leone s'est longtemps attribué la paternité du film (dont il avait eu l'idée et qu'il avait produit), mais aujourd'hui, plus personne n'en doute : ce chant du cygne, cet hommage à la fois joyeux, triste et amoureux au western est bien l'oeuvre de Valerii (Leone n'aurait réalisé que la scène de l'urinoire). Personne est le récit d'une amitié étrange, celle entre un vieux héros de l'Ouest usé et d'un jeune loup solitaire. Jack de Beauregard et Personne. Henry Fonda et Terence Hill. Contrairement au tout-venant du genre, le film est une variation non pas potache et grimaçante, mais admirative et théorique sur le western. D'abord imaginé comme la réponse de Leone aux succès bouffons de Terence Hill qui pervertissaient selon lui le spaghetti, le film de Valerii se transforme très vite en réflexion mélancolique sur la filiation, la vieillesse et la fin d’une époque. Et derrière le carton populaire, se cache un post-scriptum ironique et émouvant au genre, un adieu au western en général, grâce à la magnifique présence de Fonda, et une merveilleuse compilation des mythes de l'Ouest et ceux de la vieille Europe (on peut voir le film comme une relecture de l'Odyssée).

DR

Après ce chef-d'oeuvre, Tonino Valerii réalisera encore quelques jolis films (le polar Profession garde du corps ou le western Les requins du désert) avant de traverser les années 80 et 90 à la télévision ou en signant des thrillers ou des films érotiques.  

"Je suis fatigué. Il n'est pas vrai que les années ne produisent que des sages, elles ne produisent que des vieillards." Ou des fantômes.
Tonino Valerii est mort à Rome le 13 Octobre, mais son Jack de Beauregard lui, est toujours vivant.