Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
INDIANA JONES ET LE CADRAN DE LA DESTINEE ★★★☆☆
De James Mangold
L’essentiel
Harrison Ford revient pour une dernière virée dans la peau de l'aventurier. Perfectible sur le plan de l'action, ce film trouve son sens dans son questionnement sur la valeur de l'héroïsme.
Ultime tour de piste de l'aventurier, Le Cadran de la destinée se déroule en 1969 et met en scène un Indy vieillissant, qui vit seul dans son petit appartement new-yorkais et va prendre sa retraite de professeur d'archéologie. C'est ce moment que choisit sa filleule, Helena Shaw (Phoebe Waller-Bridge, rayonnante), pour (re)débarquer dans sa vie et le mettre sur la piste du cadran d'Archimède. Un artéfact convoité par le nazi Jürgen Voller (Mads Mikkelsen, comme un poisson dans l'eau)... Etrangement mal à l'aise sur le terrain de l'action, James Mangold a la belle idée de se questionner sur l'importance d'Indiana Jones en tant que héros, confrontant le mythe et ses valeurs au matérialisme ambiant. Obsédé par le temps, les regrets et la déliquescence, le film tient son fil rouge jusqu'à un troisième acte fichtrement casse-gueule sur le papier, mais qui fonctionne miraculeusement. Un vrai moment d'émerveillement, quasi enfantin, comme la franchise n'en avait jamais connu jusqu'ici.
François Léger
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
RUBY, L’ADO KRAKEN ★★★★☆
De Kirk de Micco
L'adolescence peut aussi être une période-éponge, où l'on absorbe tout sans distinction, sans savoir ce que ça donnera plus tard. Ruby l'ado kraken ressemble justement à une grosse éponge animée dans laquelle gigotent toutes les influences de l'histoire de DreamWorks Animation, du père écrasant Disney aux cousins british Aardman -et ça marche. Le propos sur la relation fille- mère n’est jamais bête, l'animation canon, le rythme impeccable... Et Ruby n'est jamais écrasé par une obligation de second degré pop, hors de laquelle point de salut (selon les studios US), et préfère assumer sa charmante histoire de coming of age version ultra-épique (en deux mots : Ruby est un monstre des mers géants déguisée en ado ricaine). Quel pied ! Ne serait- ce pas d’ailleurs un des meilleurs films animés venus d'un gros studio américain qu'on ait pu voir récemment ?
Sylvestre Picard
HOW TO SAVE A DEAD FRIEND ★★★★☆
De Marusya Syroechkovaskaya
Que faire quand, à 16 ans, on a envie de mettre fin à ses jours ? Prendre une caméra, se promettre de vivre jusqu’à la fin de l’année et entre-temps, se filmer. Commencer à tout capturer, des moments anodins et quotidiens aux lendemains, plus incertains. C’est ce que Marusya, 16 ans, Russe cabossée, entreprend peu à peu. Mais cette année-là, elle rencontre Kimi, grand blond, façon haricot affiné aux cheveux mi-longs, et tombe amoureuse. Le vœu du suicide ne tient plus (alléluia, gloire à l’amour !) et pendant douze ans, elle filme son couple, englué dans les cachets, la drogue, les désillusions. Les séparations et les réconciliations. Le documentaire raconte la jeunesse russe d’aujourd’hui, muselée, désœuvrée, et insère des images d’archives du pouvoir du despote Poutine. Dénonce par l’intime la déprime politique. Ample. Donc magistral.
Estelle Aubin
PREMIÈRE A AIME
VERS UN AVENIR RADIEUX ★★★☆☆
De Nanni Moretti
A 69 ans, Nanni Moretti trône sur près d’un demi-siècle d’une carrière ininterrompue à la cohérence affolante. Son nouvel opus invite à faire des bilans voire à boucler des boucles. Giovanni, le héros (qu’il campe lui- même) est un cinéaste nostalgique qui croit encore à ses idéaux passés (le communisme…) et à son art, bien que de plus en plus déconnecté avec un présent qui n’annonce rien de bon : sa femme productrice veut se barrer et son producteur frenchy organise un rendez-vous ubuesque chez Netflix. Vers un avenir radieux peut se lire comme le contretype de son Mia Madre. Les rôles s’inversent, la muse Margherita Buy au centre de Mia Madre en réalisatrice confrontée au deuil de sa mère pouvait plus ou moins compter sur son frère (Moretti). Elle est aujourd’hui la femme plus très aimante évoluant dans l’ombre de son mari cinéaste envahissant. Un certain cynisme teinté d’ironie, a remplacé la gravité des sentiments. Si la vérité du réel est implacable, la fiction peut tout réenchanter. Moretti à l’image de son anti-héros - cabot, réac’ mais dont l’ironie grinçante sauve les apparences - sait toutefois que le temps est compté.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéRHEINGOLD ★★★☆☆
De Fatih Akin
Ici, rares sont ceux qui connaissent Xatar. En Allemagne, c’est l’équivalent d’un Orelsan ou d’un JoeyStarr. Fatih Akin a décidé de faire son portrait en adaptant son autobiographie. Pourtant, Rheingold n’est pas un biopic rap comme les autres. Rien à voir avec 8 Miles par exemple. On est plutôt sur le terrain des comédies sociales populaires ou du thriller urbain façon Guy Ritchie. Akin raconte la trajectoire de ce jeune rappeur embringué dans des combines plus délirantes les unes que les autres. Le cinéaste mélange les genres, les styles, et on passe de la coming of age story au film de casse, de la romance à la fable. Mais Rheingold tient surtout grâce à son acteur surpuissant. La beauté surhumaine et la présence sidérante d’Emilio Sakraya est le véritable trésor de cet Or du Rhin.
Gaël Golhen
LA SIRENE ★★★☆☆
De Sepideh Farsi
Nous sommes en Iran, en 1980, lors de l'invasion irakienne, dans la ville d'Abadan : alors que celle- ci va tomber sous les coups de boutoir des envahisseurs, le jeune Omid tente de convaincre une poignée d'habitants de quitter Abadan en bateau. Unité de temps, de lieu, d'action : La Sirène dessine le cercle d'une quête un peu absurde, celle de persuader une galerie de personnages plus ou moins mystiques d'échapper à une mort certaine pour (peut-être) se confronter à une autre. C'est un joli procédé de cinéma -si l'on peut qualifier de joli un film qui, comme Valse avec Bachir et Josep, entend se confronter aux souvenirs les plus violents d'une guerre un peu oubliée. Le cinéma de la réalisatrice Sepideh Farsi, mêlant jusqu’ici documentaire et fiction trouve dans l'animation une forme nouvelle et idéale.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéFARANG ★★★☆☆
De Xavier Gens
Cinq ans après Budapest, Xavier Gens fait son retour dans son domaine de prédilection : le genre. L’ombre assumée d’Ong Bak plane sur ce récit où un ex détenu exemplaire, forcé à refaire sa vie en Thaïlande après un accident mortel subvenu durant sa réinsertion, voit un parrain local assassiner sa famille et l’entraîner dans une quête de vengeance. Le résultat se révèle d’une efficacité redoutable, notamment dans la manière dont Gens travaille frontalement la question de la violence, sans complaisance.
Thierry Cheze
LA MAISON DES EGAREES ★★★☆☆
De Shinya Kawatsura
Film issu du studio David, qui a participé au Conte de la Princesse Kaguya (2013) mais a surtout créé des séries adaptées de mangas pour la télé japonaise (Jojo's Bizarre Adventure) et adapté d'un roman de Sachiko Kashiwaba (l'autrice à l'origine de Wonderland : Le Royaume sans pluie), La Maison des égarées pourrait n'être qu'un énième petit objet animé égaré dans notre beau pays/ Mais c'est bien plus que ça. L'intro, où trois femmes (une vieille, une ado et une gamine) traversent lentement une ville dévastée en silence pour atteindre le lieu-titre, est absolument fabuleuse. Et place sans doute même la barre un peu trop haut pour la suite, qui reste très jolie (le récit d'une émancipation féminine à l'écart des hommes), parvient habilement à mêler différents styles d'animation... Et puis voilà que le fantastique surgit dans le film, qui pourra diviser. Mais le geste artistique reste fascinant.
Sylvestre Picard
CHONCHON, LE PLUS MIGNON DES COCHONS ★★★☆☆
De Mascha Halberstad
Le truc en plus avec l'animation en stop-motion, ce n'est pas le bricolé, c'est le charnel -et ce petit cochonnet-là, venu des Pays-Bas, est justement une affaire de chair (à saucisse). Babs, une gamine végétarienne, reçoit en cadeau de son papy de retour d'un exil aux USA un adorable petit cochon, sauf que le papy l'engraisse en secret pour un concours de viande, et que Chonchon est une véritable tornade rose qui passe son temps à gambader… et à chier partout, dans des proportions astronomiques ! Voilà de quoi faire à coup sûr de Chonchon une superstar auprès des enfants, et ce encore plus si les parents froncent les sourcils devant un tel étalage de chair, au sein d'un film qui s'envisage finalement comme une comédie trash pour les plus petits. Formidable, non ?
Sylvestre Picard
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
ELLE S’APPELLE BARBARA ★★☆☆☆
De Sérgio Tréfaut
La Barbara qui donne son titre à ce long métrage est une jeune Portugaise qui a décidé de larguer les amarres pour suivre en Irak son mari français et rallier Daech ensemble. Quand le film débute, trois années ont passé, son mari meurt sous les balles d’un peloton d’exécution et Barbara, mère de deux enfants et enceinte d’un troisième, attend son procès dans un camp de prisonniers djihadistes. Sérgio Tréfaut aborde ce sujet complexe en évoluant avec une grande fluidité sur un fil ténu entre la fiction et le documentaire. Il raconte le quotidien de cette jeune femme et les proches admis à lui rendre visite (la mère de son mari venue récupérer la dépouille de son fils, son père à elle…) avec une volonté de ne jamais enfoncer des portes ouvertes, de ne sembler jamais chercher réellement à percer le mystère de cette jeune femme dont on ne sait jamais si elle a été victime de cet embrigadement ou désireuse de s’engager. Et, petit à petit, les qualités du film deviennent aussi ses défauts. Car à force de traquer toute émotion pour la tuer dans l’oeuf, Tréfaut finit par dévitaliser son propos, créer une distance trop factice, comme s’il bottait en touche par peur de s’y confronter. Ne ratez pas, dans une semaine, sur le même sujet et cette même frontière ténue entre documentaire et fiction, Kaouther Ben Hania qui, en suivant logique inverse, réussit, elle, à faire mouche avec Les Filles d’Olfa, sans pour autant jamais verser dans le larmoyant tant redouté par Tréfaut.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
PASSAGES ★☆☆☆☆
De Ira Sachs
Après Frankie, tourné au Portugal avec Isabelle Huppert, Ira Sachs poursuit son tour d'Europe avec ce Passages parisien, autour d'un sujet éminemment français : le ménage à trois (à prononcer avec l'accent yankee). Tomas (Franz Rogowski), un réalisateur capricieux qui sort avec Martin (Ben Wishaw), entame une liaison avec Agathe (Adèle Exarchopoulos) et n'arrive plus à choisir entre les deux… Le "marivaudage façon Nouvelle Vague réalisé par un Américain à Paris" est l'un genres les plus redoutables qui soit (un peu comme les westerns réalisés par des Français) et Ira Sachs, à l'exception de quelques belles scènes de sexe, accumule les poncifs touristiques (Adèle Exarchopoulos chantant faux "Le Temps des Cerises" dans un gros plan à la Godard/Karina), qui sont peut-être exotiques vus de New York, mais totalement disqualifiants ici.
Frédéric Foubert
Et aussi
Dernière séance à Bucarest, de Ludi Boeken
Les Vengeances de Maître Poutifard, de Pierre- François Martin- Laval
Les reprises
House, de Nobuhiko Obayashi
Le Samouraï, de Jean- Pierre Melville
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