40 ans de blockbusters hollywoodiens : Piège de cristal - Die Hard (1988)
Paramount

Passez la soirée avec Bruce Willis, sur M6.

Ce n'est pas encore Noël, et pourtant : M6 mise sur un grand classique du cinéma d'action, ce soir, l'un des rôles inoubliables de Bruce Willis, en rediffusant le film qui a fait de lui une star internationale, Die Hard (1988). Voici une flopée d'anecdotes sur le premier, initialement publiées à l'été 2015 dans notre cycle des 40 ans du blockbuster. 

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En 1988, si le champion du box-office américain s’appelle Rain Man et confirme le statut de star de Tom Cruise, l’année fut tout du long marquée par le succès de comédies à concepts : Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Un Prince à New York, Big, Jumeaux, Y-a-t-il un flic pour sauver la reine ? ou Un Poisson nommé Wanda obtiennent ainsi les faveurs du public. Mais le film le plus révolutionnaire de l’année, qui impose un nouveau type de héros au sein du divertissement hollywoodien et constituera l'incontournable matrice du cinéma d’action de la décennie suivante, n’est autre que Piège de cristal (Die Hard en VO) de John McTiernan, qui sort aux Etats-Unis en juillet et se placera à la 7e position du box-office annuel. Une oeuvre tournée dans la foulée du succès en 1987 de Predator (signé du même réalisateur) à l'initiative des mêmes producteurs Joel Silver (l'homme également responsable de Commando et de L'Arme fatale) et Lawrence Gordon qui, associés à la Fox, dotent McTiernan d'un budget plus conséquent (28 millions de dollars contre 15 millions pour Predator).

Un des grands tours de force de Die Hard, récit d’une prise d’otages nocturne dans le gratte-ciel Nakatomi Plaza, tient au caractère du personnage principal, John McClane, un policier new-yorkais qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment puisqu’il était venu à Los Angeles régler ses problèmes conjugaux mais se voit contraint d'affronter une bande de braqueurs allemands surarmés qui se font passer pour des terroristes.

Si Bruce Willis, alors essentiellement connu pour la série comique Clair de lune, brille tant dans ce rôle d’anti-héros, c’est que l’acteur est lui-même arrivé sur le projet par un rocambolesque concours de circonstances. Die Hard étant une adaptation du roman Nothing Lasts Forever de Roderick Thorp (écrit en 1979 en hommage à La Tour infernale), qui met en vedette le personnage de Joe Leland, Frank Sinatra se devait contractuellement d'interpréter ce protagoniste à qui il avait déjà prêté ses traits en 1968 dans Le Détective. Mais Sinatra, âgé de plus de 70 ans quand le projet se met à intéresser Lawrence Gordon, décline poliment.

 

John McTiernan : "John McClane n'est pas un héros national"

Confié à Jeb Stuart, puis à Steven E. de Souza (scénariste de 48 heures, Commando et Running Man), le scénario rajeunit alors le personnage, désormais envisagé comme un homme de 35 ans « beau et athlétique », et le renomme John McClane. Arnold Schwarzenegger s'apprêtant de son côté à tourner Double Détente et Jumeaux, une ribambelle d'acteurs en vogue sont pressentis : Burt Reynolds, Richard Gere, Sylvester Stallone, Mel GibsonHarrison Ford ou Richard Dean Anderson (la star de MacGyver). Très loin d'être le premier choix car totalement inexpérimenté dans le cinéma d'action, Bruce Willis hérite finalement du rôle quand apparaît un trou dans le tournage de Clair de lune.

La rencontre entre le corps de l’acteur - nettement moins bodybuildé et sculptural que ceux des stars d'action de l'époque Arnold Schwarzenegger et Sylvester Stallone - et la mise en scène ambitieuse et élaborée de John McTiernan va pourtant produire des étincelles. John McClane, figure quasi sadomaso qui souffre de bout en bout (impossible de rester insensible quand il marche pieds nus sur du verre brisé) et tache de sang son marcel blanc, entretient en même temps une étrange distance humoristique avec l’action, qu’il commente sans cesse avec entrain (le fameux « Now I have a machine gun, ho-ho-ho » et le cultissime « Yippee-ki-yay, motherfucker ! »). De la même façon, la caméra de McTiernan, qui organise l’espace et guide le regard du spectateur avec une lisibilité extraordinaire, représente de l'aveu même du cinéaste un narrateur à part entière et « une voix active ».

Parfaite illustration de la vision du monde de John McTiernan, John McClane incarne selon le réalisateur « un prolétaire pur jus qui n'a aucun respect pour la hiérarchie ni pour les classes supérieures. Il leur fait constamment un pied de nez. Ce n'est pas un héros national ». Pas un héros national donc, mais un héros cinématographique d’un genre inédit, qui porte sur ses épaules dénudées la virulente critique des institutions à laquelle se livre le cinéaste. Tout y passe, de l’agent spécial du FBI joué par Robert Davi qui se révèle être un incapable juste bon à tirer dans le tas depuis son hélicoptère, aux médias sans scrupules obsédés par une chasse au scoop qui bafoue l'éthique. À l’inverse, les personnages plus humbles - comme le sergent Powell (Reginald Veljohnson) qui vient en aide à McClane depuis l’extérieur du bâtiment alors qu’il ne le connaît pas - font preuve d'un sens de l’intérêt général et d’une solidarité à toute épreuve.

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Véritable théoricien de la mise en scène, inventeur de formes et adepte de l’expérimentation cinématographique, John McTiernan ira jusqu’à décrire Die Hard comme une « comédie shakespearienne ». Mais ce conte de Noël qui se transforme en impitoyable lutte pour la survie se distingue aussi par son réalisme brut : le regard effrayé du grand méchant Hans Gruber (Alan Rickman) lorsqu’il est jeté du building fut à ce titre obtenu à la grande surprise du comédien, qui fut balancé dans le vide plus tôt que prévu.

Maîtrisé de bout en bout, Die Hard a inspiré une quantité de films qui ont repris le principe du héros solitaire enfermé contre son gré dans un lieu clos dont s'emparent des terroristes. Toutes les stars du cinéma d’action des années 1990 s'y sont par la suite frottées, que ce soit Steven Seagal avec Piège en haute mer, Keanu Reeves avec Speed (réalisé par Jan de Bont, chef opérateur de Piège de cristal), Jean-Claude Van Damme avec Mort subite ou dans une certaine mesure Sean Connery avec The Rock. Mais aucun de ces films n’a su recréer la fantaisie du personnage de John McClane ni la réalisation virtuose de McTiernan.

Die Hard récolta quatre nominations aux Oscars (dont celui du meilleur montage) et accumula 83 millions de dollars aux Etats-Unis, loin devant les 53 millions de Rambo III, sorti la même année. Le film ne connut pas le même succès en France où seuls 655 000 spectateurs assistèrent à la première aventure de John McClane (soit trois fois moins d'entrées que pour Rambo III). Mais les choses rentrèrent dans l’ordre avec le troisième volet de la saga, Une Journée en enfer, qui totalisa 3,5 millions d’entrées dans l'Hexagone et devint le plus gros succès mondial de l’année 1995. John McTiernan (qui avait laissé à Renny Harlin la réalisation du deuxième volet, 58 minutes pour vivre, pour tourner A la poursuite d'Octobre rouge) reprenait là son trône et mettait fin à toute la série de dérivés du premier Die Hard en cassant le principe du huis clos et en transformant New York en terrain de jeu géant où le duo Bruce Willis/Samuel L. Jackson évolue au grand air. Faiseur de modes hollywoodiennes durant une petite décennie, John McTiernan vit malheureusement son influence décliner avec l’échec en 1999 du 13ème Guerrier.

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Les quatrième et cinquième volets de Die Hard (réalisés par Len Wiseman en 2007 et John Moore en 2013) n’offrirent quant à eux plus rien de l’élégance et de la malice du long métrage original, ce qui renforce notre nostalgie de l'époque dorée où John McTiernan pouvait traiter le cinéma d'action comme un art noble et majeur. N'ayant pas réalisé de film depuis Basic en 2003 et ayant dû affronter une tempête judiciaire qui le fit passer en 2013 par la case prison, John McTiernan (dont le projet Red Squad ne donne plus de nouvelles) fera-t-il un jour un tonitruant retour à Hollywood ?

Damien Leblanc

Bande-annonce de Piège de cristal :


L'histoire secrète de Die Hard : Une journée en enfer