A la sortie de son futur film oscarisé (diffusé ce soir sur Arte), la cinéaste nous confiait ses goûts en matière de musique (s). Flashback
Un film de Sofia Coppola se déguste oreilles grandes ouvertes. En effet, la réalisatrice apporte un soin particulier aux musiques qui accompagnent ses images. C'est à nouveau frappant dans Lost in Translation, dont elle a élaboré la B.O. bien avant le tournage. « En écrivant Virgin Suicides, explique-t-elle, je me souviens d'avoir écouté l'album d'Air, que je venais d'acheter. Cette fois, alors que je travaillais sur le scénario, un ami, Brian Reitzell, m'a préparé en amont une compilation réunissant plusieurs chansons capables, selon lui, de traduire les sentiments de mon film. » Sofia Coppola choisit bien ses amis. Batteur reconnu, Reitzell a notamment collaboré avec Air. Et il a suffi que la réalisatrice lui explique que Lost in Translation était une comédie romantique se déroulant à Tokyo, entre un homme mûr et une très jeune fille, et qu'ils passent quelques jours ensemble dans la cité nippone, pour qu'il réunisse un ensemble de titres très harmonieux, venus des États-Unis, d'Europe et du Japon. Des morceaux que la cinéaste a même utilisés sur le plateau pour aider ses acteurs à trouver le ton juste sur certaines scènes. D'où notre désir de visiter avec elle cet univers musical et ses propres références.
Ses premiers coups de coeur
« Mon goût pour la musique s'est développé avec mon grand frère, Roman. C'est grâce à lui que j'ai entendu pour la première fois Elvis Costello et The Clash. Imaginez la catastrophe, s'il n'avait eu aucun goût en matière de musique ! (Rires.) De mon côté, dès 12 ans, j'ai commencé à craquer pour Siouxsie and the Banshees (surtout leur titre Christine) et Bananarama. Je passais leurs albums en boucle, comme ceux de Prince, que j'avais aussi adoré en concert et dans Purple Rain. Cela correspondait à mon éveil sexuel ! (Rires.) À cette époque, j'étais aussi une grande fan de New Order et j'écoute encore leurs disques aujourd'hui : ça me rappelle ma jeunesse... »
Le retour de Kevin Shields
My Bloody Valentine fut un groupe majeur de la scène pop des années 80. Après plus de dix ans de silence, son leader, Kevin Shields, signe son retour dans Lost in Translation, avec Goodbye et Are You Awake. « J'adore My Bloody Valentine. Loveless est l'un de mes albums préférés. C'est Brian Reitzell qui a eu l'idée de lui commander ces morceaux. Il a tout de suite été emballé et cela m'a rendue fière. »
Air, d'un film à l'autre
C'est en se baladant dans un magasin de disques en Angleterre, en 1999, durant l'écriture de Virgin Suicides, qu'elle a découvert ce groupe versaillais. « J'ai écouté leur album Premiers symptômes sur une borne. » Grâce à son frère Roman, producteur de leurs clips, elle fait leur connaissance et leur demande de composer la (sublime) B.O. de Virgin Suicides. « Dès la première écoute, mon père, casque sur les oreilles, m'a dit : "C'est cool, cette musique. Tu dois absolument la mettre sur Virgin Suicides." Ça tombait bien ! À chaque fois que je les écoute, je plonge dans une douce ambiance de rêverie. » Tout naturellement, les Français sont de retour sur la B.O. de Lost in Translation, le temps d'un titre, Alone in Kyoto. « Cela me fait vraiment plaisir qu'ils soient encore présents. Quand Brian Reitzell leur a demandé un titre, ils étaient alors en plein enregistrement de leur nouvel album. Et ils nous ont envoyé ce morceau le tout dernier jour de leur mixage son. Dès qu'on l'a posé sur les images, la scène a pris un relief incroyable. » On appelle ça la magie... « La seule écoute d'un morceau d'Air me plonge dans une douce ambiance de rêverie. Leur présence sur cette B.O. me fait un plaisir immense. »
Bill Murray, star de... karaoké japonais
« Cette scène de karaoké avec Bill Murray n'était pas prévue dans le scénario. Elle est née d'une discussion avec lui sur notre passion commune pour l'album Avalon de Roxy Music et, en particulier, le tube More than this, qui est, pour moi, la chanson la plus romantique. Comme nous étions dans un petit karaoké et que j'ai vu le titre sur le programme, je lui ai demandé de la chanter pour moi. Il l'a interprétée de manière si sincère et touchante, sans dérision, ni second degré, que je me suis dit qu'il fallait absolument que je l'inclue dans le film. »
Entre pop et électro
La B.O. de Lost in Translation mêle inédits et morceaux repérés par Brian Reitzell dans des albums déjà existants. Côté électro, on trouve Tommib, extrait de Go Plastic de l'Écossais Squarepusher et Girls, tiré de Scorpio Rising du duo électronique anglais Death in Vegas, ou encore Just like honey, issu de PsychoCandy des Écossais The Jesus & Mary Chain, pionniers de la noisy pop. « J'ai craqué à la première écoute de ces morceaux », confie Sofia Coppola, qui, en revanche, connaissait bien les deux autres artistes français qui figurent sur sa B.O. « Too Young de Phoenix figurait déjà dans le script, et la tristesse de Fantino, de Sébastien Tellier, qu'Air m'a fait découvrir, me fascine. »
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