Affiches Films à l'affiche mercredi 19 avril 2023
Les Films du Losange/ Metropolitan Filmexport/ Pathé

Ce qu’il faut voir en salles.

L’ÉVÉNEMENT
SUR L’ADAMANT ★★★★☆

De Nicolas Philibert

L’essentiel

Vingt- cinq ans après La Moindre des choses, Nicolas Philibert réembrasse le thème de la psychiatrie dans un documentaire d’une humanité majestueuse récompensé d’un Ours d’Or au dernier festival de Berlin

L’Adamant est un Centre de Jour édifié sur la Seine au cœur de Paris, accueillant des adultes souffrant de troubles psychiatriques, leur offrant un cadre de soins mais aussi des ateliers culturels afin de les aider à retrouver un peu d’élan. C’est cette péniche unique en son genre que Nicolas Philibert a choisi de raconter dans ce documentaire. Lui qui avait déjà traité de la psychiatrie en 1997 avec La Moindre des choses – plongée dans une clinique où pensionnaires et personnel médical travaillaient à la création d’une pièce -, il y revient en faisant le même pas de côté. Plutôt que de raconter la crise qui frappe ce secteur, il célèbre une expérience qui marche. La possibilité d’une autre voie. Sans ne rien enjoliver, en montrant aussi les limites du système, les moments de tension, de désarroi. Un geste d’une ambition folle où il était facile de se perdre et qui rend encore plus impressionnant le résultat. 109 minutes intenses menées avec une grande maîtrise, sans précipitation, en prenant le temps de laisser longuement la parole à chacun. Toute l’humanité de son regard, de son talent de confesseur jamais intrusif nous saute à la figure. Impressionnant.

Thiery Cheze

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PREMIÈRE A AIME

EVIL DEAD RISE ★★★☆☆

De Lee Cronin

Le précédent Evil Dead, date d'il y a dix ans, et remakait le film original avec beaucoup de premier degré. Sans lancer une franchise. Trop gore alors que le cinéma d'horreur était épuisé par une décennie de torture porn, peut-être ? En tous cas, par rapport à la trilogie de Raimi et au reboot de 2013, Evil Dead Rise, écrit et réalisé par l'irlandais Lee Cronin ne démérite absolument pas. L'idée forte du film est de tenter -une fois passé son prologue un brin convenu - un dépaysement de la série : les forces du mal se déchaînent dans un immeuble déshérité, au fond d'un recoin obscur de Los Angeles. Si Cronin ne parvient pas trop à équilibrer, au fond, son désir de nouveauté et son cahier des charges (les clins d'oeil aux films d'avant sont pas ouf, le côté catho-exorcisme non plus) on sent bien que c'est l'amour du gore qui l'anime. On n'est pas volé : Evil Dead Rise, ça rise très violemment, ça grimpe, grimpe, grimpe jusqu'à sa très bonne scène finale qui nous laisse autant épuisés que réjouis.

Sylvestre Picard

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CHIEN DE LA CASSE ★★★☆☆

De Jean- Baptiste Durand

En découvrant ce Chien de la casse, on a ainsi cette agréable sensation d’entrer dans un angle mort, une de ces villes et villages entre-aperçues dans le lointain depuis une autoroute, que le cinéma ne traite que peu ou pas. Que viendrait faire le romanesque à Montpeyroux dans l’Hérault, lieu inédit de ce premier long-métrage ? Cette question sous-tend les contours de ce drame aussi électrique que sensuel sur une amitié toxique dominée par l’éruptif Mirales (Raphaël Quenard électrise littéralement le film de l’intérieur) cherchant en permanence à s’extraire du décor. Mais Mirales peut prendre appui sur son alter-égo en négatif, l’effacé Dog pour tromper ses angoisses, il lui faudra une présence extérieure - la douce Elsa - pour que l’horizon bouge enfin. Le film repose ainsi sur un constant rapport de force. Les vibrations produites par les points de frottement et de rupture creusent peu à peu les vieilles pierres qui maintiennent ce monde debout. Et soudain cette jeunesse se rejouant inlassablement les mêmes aventures, s’illumine. La tragédie est permise et avec elle, son lot de promesses et de désillusions.

Thomas Baurez

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LA DERNIERE REINE ★★★☆☆

De Damien Ounouri et Adila Bendimerad

Un film historique dans tous les sens du terme. Le portrait de la Reine Zaphira qui tint tête au pirate Barberousse dans sa conquête du royaume algérien en 1516. Et le tout premier drame en costumes du septième art algérien. Se lancer dans un projet aussi ambitieux – qui plus pour des débuts dans le long - nécessite une part d’inconscience. Mais malgré quelques longueurs et maladresses, Damien Ounouri et Adila Bendimerad (qui joue – très bien ! – Zaphira) ont du panache à revendre. Et leur désir d’un cinéma mêlant intime et spectaculaire épouse celui de redonner à Zaphira, la place que cinq siècles de patriarcat ont contribué à effacer. Un geste pour réinscrire les femmes dans le roman national et inciter les Algériennes d’aujourd’hui à résister face des menaces similaires : les faire taire, les invisibiliser. Interprété avec fougue (Dali Benssalah et Nadia Teresezkiewicz, irrésistibles), un défi relevé haut la main.

Thierry Cheze

HABIB, LA GRANDE AVENTURE ★★★☆☆

De Benoît Mariage

Découvrir un nouveau Benoît Mariage, le réalisateur des Convoyeurs attendent, c’est la promesse d’un regard poétique et espiègle sur la réalité. Après neuf ans d’absence, son Habib n’échappe pas à cette règle. Il y est question d’un jeune comédien d’origine marocaine tiraillé entre sa passion pour son métier et l’incompréhension de sa famille à qui il peine à avouer qu’il incarne un gigolo ou Saint- François d’Assise, personnages le plaçant en porte- à- faux avec sa culture d’origine. Et Mariage déploie une fable tout en subtilité autour de l’identité, à rebours de notre époque où ce thème est généralement l’assurance de débats aussi violents que vains sans pour autant verser dans la guimauve. Parce qu’il sait trouver la part d’absurde dans notre quotidien et en user pour écrire des situations et des personnages (dont une Deneuve géniale dans son propre rôle) aussi attachants que profonds. Il n’a pas perdu la main

Thierry Cheze

BLUE JEAN ★★★☆☆

De Georgia Oakley

Une héroïne, une femme, la trentaine. Le jour, Jean (Rosy McEwen, une révélation), coupe au bol et regard bleu, est professeure de sport dans un petit collège réac du Nord de l’Angleterre. Le soir, elle s’engouffre dans les boîtes de nuit queer avec sa petite-amie. Mais. On est en 1988 et Thatcher vient d’adopter une loi qui stigmatise la communauté LGBTQ. Entendre : elle met sur le même plan homos et pédophiles. Blue Jean, premier long-métrage de la jeune Georgia Oakley, dessine le portrait d’une femme en conflit interne, obligée de se cacher pour vivre. À chaque scène, les traits de son visage exultent un peu plus, sa vigueur éclate. Jean est à la fois imposante et épurée. Apeurée aussi. La composition de Rosy Mc Ewen est stupéfiante de justesse. Ce film fait de la carapace, une identité ; du silence, une liberté. Et donne une résonnance lucide aux discriminations contemporaines.

Estelle Aubin

LA MINE DU DIABLE ★★★☆☆

De Matteo Tortone

Il y a quelque chose de rugueux dans la manière dont Mine du diable dévoile ses premières scènes, dont le  noir et blanc mystique ternit l’éclat des rêves dorés. La couleur nous est arrachée, l’espoir avec. Celui de Jorge surtout, jeune chauffeur qui traîne sa moto- taxi et sa misère dans la banlieue de Lima. Débute alors sa ruée vers l’or vertigineuse, sur le toit des Andes péruviennes. Le mal des montagnes nous prend, celui du Diable aussi. Les rares lueurs sont celles des lampes torches, dans ces galeries minières hantées par les croyances et les superstitions, là où les corps sont sacrifiés pour quelques sous et où les âmes finissent par s’évaporer, anonymement. Le récit devient documentaire, ou l’inverse. La caméra contemplative de Matteo Tortone n’en devient pas pour autant insipide, elle explore les affres de ce métal précieux avec une beauté cruelle.

Lou Hupel

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

LA VIE POUR DE VRAI ★★☆☆☆

De Dany Boon

Tridan est né, a grandi dans un Club Med au Mexique qu’il n’a jamais quitté… jusqu’au jour où, quinqua, il démissionne pour partir à Paris retrouver Violette son crush d’enfant avec qui ils s’étaient promis un amour éternel. Ainsi débute – dans une mise en place trop étirée – le nouveau Dany Boon où son personnage va se retrouver confronté à un demi- frère dont il ignorait l’existence et qui, pour se débarrasser de lui, demande à une de ses conquêtes de se faire passer pour Violette. On sait Dany Boon à l’aise dans ces personnages de naïf au grand cœur. Quinze ans après les Ch’tis, sa complicité avec Kad Merad reste intacte. Mais c’est précisément parce que tout est à ce point cousu de fil blanc que La Vie pour de vrai n’imprime pas, au fil de ses trop longues 110 minutes. Charlotte Gainsbourg a beau y confirmer son talent comique, l’absence de dinguerie banalise les péripéties de ce drôle de trio amoureux.

Thierry Cheze

LA PLUS BELLE POUR ALLER DANSER ★★☆☆☆

De Victoria Bedos

Collégienne déphasée et sans amis, Marie-Luce vit dans une pension de famille pour seniors dirigée par son père (Philippe Katerine). Un jour, elle s’incruste à une soirée déguisée en homme et s’invente un double masculin, Léo. Ses camarades s'intéressent enfin à elle, dont Émile, sur qui elle a flashé. Mais Émile tombe sous le charme de Léo et pas de Marie-Luce… Récit d’initiation porté par la découverte Brune Moulin (primée au festival de l’Alpe d’Huez), le film de Victoria Bedos repose sur la belle idée d'une relation contrariée par une identité genre pas encore définie. Mais La plus belle pour aller danser se perd dans des éléments scénaristiques artificiels (la passion de Marie-Luce pour Cioran et Marivaux, pur cliché intello ; le foyer de seniors peuplé de petits vieux adorables…) qui écornent sa crédibilité et sa douce mélancolie.

François Léger

JOURS SAUVAGES ★★☆☆☆

De David Lanzmann

Trois personnages – une étudiante basculant dans la prostitution, un trader en pleine ultra- moderne solitude et un dealer qui commence à faire ses gammes – aux destins mêlés avec en commun un lien avec l’argent qui va les conduire à leur perte. Il y a du Déjà mort de Dahan dans la manière dont Lanzmann tente d’embrasser son époque. Et si son scénario tourne en rond, l’atmosphère créée par le beau travail de la lumière de Pascal Lagriffoul, le chef op’ de Jérôme Bonnell et une BO démente maintient le film à flot.

Thierry Cheze

LA CONFERENCE ★★☆☆☆

De Matti Geschonneck

Ce film historique reproduit la réunion du 20 janvier 1942 entre plusieurs dignitaires du régime nazi qui décidèrent de mettre en œuvre la Solution Finale qui causa la mort de six millions de Juifs. Il met en scène un terrifiant décalage entre le calme de la campagne où a lieu cette conférence et l’horreur de ses conséquences. Mais l’aspect figé des discussions rend l’exercice de style très répétitif et fastidieux.

Damien Leblanc

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

AVANT L’EFFONDREMENT ★☆☆☆☆

De Alice Zeniter et Benoît Zeniter

Premier film (co-)réalisé par l’autrice Alice Zeniter, dont le héros fait l’effet d’une incarnation générationnelle appuyée : trentenaire citadin de tempérament anxieux, de sensibilité écologique et de mœurs adulescentes. Sur fond de campagne municipale (il travaille pour une candidate verte à Paris) et de canicule, le film désigne pour horizon la crise environnementale mais son récit s’enclenche sur un argument sentimental assez nunuche : la réception d’un test de grossesse anonyme, qui va amener Tristan à remonter le fil de ses ex pour retrouver l’expéditrice. Le résultat est caricaturalement klapischien, avec une inflexion un peu moins popu, et un peu plus Sciences Po ; cela se voudrait à la fois intellectuel et organique, politique et fantaisiste, mais c’est désagréablement emprunté dans tous ces registres.

Théo Ribeton

 

Reprises

Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, de Chantal Akerman

Pompoko, de Isao Takahata

Remorques, de Jean Grémillon

Le Voyage fantastique, de Richard Fleischer