-
En présentant Revoir Paris à la Quinzaine des Réalisateurs cannoise, on a vu Alice Winocour physiquement submergée par une émotion - qui allait bien au- delà du stress de la cinéaste inquiète des réactions de son futur public – en évoquant celui qui l’avait conduit à imaginer ce film : son frère, rescapé du Bataclan le 13 novembre 1995. Son quatrième long n’est pas pour autant une reconstitution de cette nuit funeste. Winocour part d’un attentat perpétré dans une brasserie pour raconter les reconstructions complexes des survivants à travers deux d’entre eux. Mia qui a perdu la mémoire de cette soirée- là au point de croire celle qui l’accuse de s’être enfermée dans les toilettes en empêchant les autres d’y rentrer et de se protéger des terroristes et Thomas qui, lui, se souvient de tout, mais continue des mois après à souffrir dans son corps. Winocour (re)donne voix et corps à des traumatismes qui sont devenus bien plus que ça - un fait social, un enjeu politique - au fil d’une oeuvre aussi déchirante que digne et puissamment organique (remarquable travail sur le son). Et où le romanesque tutoie le sociétal, en racontant tout à la fois l’histoire d’amour qui surgit entre ces deux survivants (Virginie Efira et Benoît Magimal, intenses) comme fil rouge de leur résilience et ces sans- papiers, employés de la brasserie, héros d’un soir dans leur aide aux blessés avant de s’évaporer pour ne pas être expulsés. En faisant d’eux les pièces manquantes de ce puzzle, Winocour transcende son sujet et dresse une photographie pertinente de la France d’aujourd’hui.