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Dans la lignée de l’hyperréalisme urbain façon Donoma ou Rengaine, voici un autre fruit de l’indépendance financière et artistique qui semble démanger le jeune cinéma français. Moins « kamikaze » que ses prédécesseurs, Rue des Cités n’en manifeste pas moins l’urgence de marquer son territoire à travers le parcours erratique de son héros, ponctué de rencontres captées à l’arrache avec un ami souffredouleur, une équipe de cinéastes amateurs ou un cousin, filmé alors qu’il vole une moto. Quelques jolies bribes de vérité sociale jaillissent ainsi de la démarche, qui voit le problème de l’intégration voisiner avec la violence ambiante, tandis que le désir de s’en sortir et les dérives comportementales sont sainement épinglés. On se demande en revanche pourquoi cette belle liberté d’approche s’accompagne de témoignages documentaires terriblement balourds et redondants qui parasitent jusqu’au contresens la confiance des auteurs dans le pouvoir du cinéma.
Toutes les critiques de Rue des Cités
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Entre fiction et documentaire, Rue des cités est un portrait sociologique, parfois dur, à l’image de ce dialogue amusant mais terriblement révélateur entre Mimid et sa mère à l’esprit ultrarigoriste et désenchanté. Elle ne croit plus en l’amour et, exaspérée par son vagabondage incessant, clame à son fils : «Tu seras toujours un blédard !» Et lui, sous le joug d’une inconscience adolescente, se prétend «commerçant»… Juste et sincère, Rue des cités, peut-être pour rendre la vue des bâtiments moins pénible, est un film exclusivement en noir et blanc, ce qui lui confère une poésie que nulle couleur n’aurait su lui donner.
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Le parti pris de mêler fiction et interviews fonctionne. Et ce film révèle deux purs talents : Tarek Aggoun et Presylia Alves, en tête.
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A travers le périple de ces jeunes, les réalisateurs parviennent à dresser un état des lieux moins alarmant de la situation, sans pour autant nier la prégnance de problèmes qui existent par ailleurs dans d’autres lieux. Par contre, l’intrusion de témoignages face caméra n’est pas toujours heureuse. Ces interventions qui tiennent du documentaire viennent corroborer la fiction, mais ce jeu d’écho n’est finalement pas vraiment opérant et vient surligner un message qui n’en avait pas besoin. On espère en tout cas voir davantage d’initiatives de ce genre fleurir dans notre cinéma, encore largement dominé par des thématiques bourgeoises.
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Le scénario accumule les micro-fictions fragiles, souvent inabouties, venant se greffer sur l’existence quotidienne des deux camarades, jeunes de cité déjà plus si jeunes, et fait ainsi entrer dans le récit une masse de « sujets d’actualité » – les relations homme/femme, le poids des traditions, le chômage, la délinquance, les médias, les trafics, la violence, la marginalité, l’urbanisme, les expulsions – bien trop compacte pour une seule petite journée, pour une seule petite heure dix. Il y a, là dedans, comme un passage en force qui dit bien tout l’empressement des deux cinéastes [...] L'histoire ne se rapporte pas uniquement aux jeunes issus de l’immigration, parqués dans des cités vétustes ; elle documente le sentiment d’une génération qui attend depuis longtemps son entrée, mais erre dans une banlieue de la vie, dans une jeunesse sans fin, maintenue sous perfusion et qu’il faut abandonner avant même d’avoir pu lui faire rendre son jus. Une jeunesse trop longue aux jours trop longs. Dommage qu’en dépit de promesses bien réelles, la brièveté du film l’empêche d’étreindre quelque chose de cette longueur-là.
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Si on se doute bien que les reportages qui alimentent les images de notre téléviseur, ne sont pas le reflet strict et précis de ce qui se passe à Aubervilliers (vols, drogues etc), le piège est de ne pas tomber dans la dynamique opposée. Guêpier dans lequel tombe peut-être les deux cinéastes, mais après tout inévitablement « qui s'y frotte s'y pique ». N'exagérons rien, la piqûre n'est pas si insupportable, Zouhani et May tentent tout de même de confronter les points de vue : si certains soutiennent qu'on vit aussi bien à Aubervilliers que dans le 1er arrondissement de Paris, d'autres souhaitent quitter la cité. Mais les témoignages évoquent souvent « le bon côté » de la cité en véhiculant un certain sentiment de nostalgie.
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Des rencontres, des situations, des micro-intrigues comme captées au vol, prétexte à de confondants instants de vérité, hélas ponctués de témoignages documentaires dont le didactisme flingue avec une désolante balourdise la fiction instinctive et prometteuse qui se déployait jusque-là.