Première
par Thierry Chèze
Affreux, sales et méchants pourrait être le sous- titre de ce Storia di vacanze, à ce détail majeur près qu’ici tout le vitriol déversé sur les personnages et les situations ne conduit jamais vers la farce hilarante. La chaleur écrasante de cet été romain où se déroule l’action contamine le récit tout entier, étouffant, mal aimable et par là même passionnant. On a découvert les jumeaux D’Innocenzo en 2018 avec Frères de sang, beau récit d’apprentissage sur la perte de l’innocence et la corruption de la jeunesse. Et Storia di vacanze leur permet de creuser cette thématique dans un geste qui rappelle celui de Todd Solondz avec Happiness. L’action de ce deuxième long métrage choral se situe dans une banlieue pavillonnaire romaine et suit le quotidien de plusieurs familles tentant de créer l’illusion de vacances normales et joyeuses quand, d’emblée, on sent le vert dans le fruit. Car Storia di vacanze dépeint précisément ce foyer familial, censé être le cocon protecteur contre toute agression, devenu source de froideur et de violence par cette incapacité grandissante à communiquer, par la transmission inconsciente d’une anxiété. Avec comme première victimes donc les enfants, ici quasiment tout le temps silencieux, incapables de trouver un modèle et de profiter du temps de l’innocence devant tant de misère et de bêtise réunis sous leurs yeux. Ici la violence n’est jamais physique mais mentale comme un plafond de verre étouffant qui s’abat petit à petit sur eux. Une fable morbide, dérangeante mais jamais condescendante ou misérabiliste. Le pessimisme élevé au rang d’art.