« Comment ai-je pu ne rien voir ? Je suis pourtant une mère. », se lamente Midori, effarée par sa propre méprise. Son mari Ryota tente bien de la consoler mais, au fond de lui, il est d’accord. Et presque rassuré que les « défauts » de son enfant trouvent enfin une explication logique. Car, cela crève les yeux : Keita a beau être un gentil petit garçon, il ne lui ressemble pas. Il n’est pas aussi perfectionniste que lui, l’architecte accompli, le bourreau de travail dénué de failles. Or les chiens ne font pas des chats, dit le dicton. Sur un scénario qui ne manquera pas d’évoquer au public français la comédie La vie est un long fleuve tranquille, d'Étienne Chatiliez, Hirokazu Kore-Eda s’interroge sur les affres du sentiment paternel en empruntant sa tonalité mélancolique habituelle. Si le style classique du réalisateur de Still Walking et Nobody Knows repose sur le tact et la retenue, le drame qu’il raconte s’avère d’une violence psychologique aiguë : doit-on échanger son enfant au nom des liens du sang ? Que représentent nos « attaches » génétiques au regard des liens du temps ? Suffit-il de monter une tente au milieu du salon pour réinventer un foyer ? Le film répond avec une douceur infinie, sans jamais céder à l’hystérie ou au pathos. Patiemment, par petites touches fluides et ouatées, parfois humoristiques, le réalisateur observe l’armure d’un homme transpercée par des sentiments inattendus. La naissance de ce père est bouleversante.