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Malgré quelques longueurs et redites, le premier film de Radu Jude est une fable qui vise juste. Qu’il parle de l’adolescence et du difficile passage à l’âge adulte, qu’il évoque son pays et la chaotique transition vers le capitalisme, qu’il prenne pour cible les médias et leurs illusions, le cinéaste livre un portrait sensible (ce qui ne l’empêche pas d’être souvent drôle) de la Roumanie d’aujourd’hui et, surtout, de sa jeunesse. Une agréable bouffée d’air frais.
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Entre farce et épouvante, cet épatant premier film divertit autant qu’il éclaire sur un pays où l’éveil à la démocratie et au capitalisme ressemble surtout à une gueule de bois carabinée.
Toutes les critiques de La fille la plus heureuse du monde
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Cette comédie tragique sur la frustration a un aspect documentaire qui fait songer à Jean Rouch. La caméra est toujours suffisamment distante pour qu'une foule d'individus incongrus envahisse le champ, y compris les parents de la jeune fille, aimants et cupides. Ou comment la mise en scène transforme ce qui pourrait être un script de court-métrage en un film qui en dit long...
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Sur le papier, La Fille la plus heureuse du monde semble linéaire mais la réalisation détourne l’attente (motif de la nouvelle vague roumaine) sur le mode du ressassement : Délia n’étant pas très bonne actrice, elle doit sans cesse refaire sa prise. S’ajoutent les aléas techniques, l’impatience de l’équipe de tournage et la tristesse de Délia, écrasée par les disputes familiales alors qu’elle doit transpirer la positive attitude. Cette répétition est pleine de sens, du petit enfer que traverse Délia, de ses désillusions quant à la société de consommation. Coincé en mode repeat, le film évoque presque Un jour sans fin, belle comédie sisyphéenne, dont il offre une version dépouillée, rêche mais très réussie.
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(...) mal fagotée et pas glamour pour deux sous, la Fille la plus heureuse du monde possède néanmoins une certaine allure et de notables atouts. (...) Le tonus de la comédie italienne des années 1960 et du cinéma tchèque des années 70 semble alors irriguer cette parabole caustique du néocapitalisme.
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Sec et bien tenu, La Fille la plus heureuse du monde s'embarque dans cette spirale avec un dosage plutôt malin entre le cocasse et la cruauté. Pas difficile de discerner ici un nouveau portrait de la Roumanie contemporaine (l'adolescente prise entre un archaïsme qui ne démord pas - les parents - et une modernité agressive et chaotique - le plateau de tournage, la novlangue publicitaire), mais le film vise un peu plus haut que ça. Du côté, par exemple, d'un habile petit traité sur le langage, à mesure que le discours de la marque et celui du père, identiquement cyniques, viennent à se confondre.
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On rit donc douloureusement à ce film d'une prodigue simplicité, qui dépeint sans avoir l'air d'y toucher l'entrée des ex-sociétés communistes dans le royaume enchanté du libéralisme, et plus largement le monde d'aujourd'hui, défini comme un enivrant empire du faux.
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Le réalisateur joue sur l'épuisement et la répétition pour faire passer son message. Un parti pris qui finit par se retourner contre le film.
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Les acteurs sont très bons dans leur rôle. Pathétiques, précis, touchants ou ridicules chaque fois que le jeu le nécessite. Pourtant, on trouve certaines lenteurs dans la réalisation par moments. (...) Quoi qu'il en soit, Radu Jude connaît bien ses poissons et il nous donne une leçon de cinéma plutôt magistrale avec ce premier long-métrage.
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Ce resserrement de l’action permet de dessiner avec justesse l’irritation générale qui gagne progressivement tous les protagonistes au fur et à mesure que ce tournage anodin vire au fiasco. Radu Jude installe un humour qui, tout en relevant d’une satire assez traditionnelle contre les travers de la société de consommation, met mal à l’aise par la répétition et l’impression de cauchemar qui s’en dégage, comme lorsque l’on voit Délia forcée de recommencer à chaque fois une prise ratée et d’absorber jusqu’à la nausée des litres de jus d’orange. Néanmoins, malgré des suggestions intéressantes, le film a tendance à s’enfermer lui aussi dans son propre cercle, et peine à trouver son rythme. Les pistes - les contradictions de l’adolescence, la « mauvaise foi » familiale... - sont davantage esquissées qu’explorées, laissant au bilan une certaine frustration ; la narration, se soumettant à la contrainte de l’unité d’action, de temps et de lieu, souffre de cet étouffement et ne parvient pas à s’ouvrir véritablement, de sorte que le film prend une tournure linéaire, faisant alterner et varier de manière minime les mêmes scènes de dialogue puis de solitude, jusqu’à épuisement total de ses potentialités.