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My Joy est un road-movie déroutant. (...) L’histoire traverse l’espace et le temps, au fil de séquences qui, à défaut d’avoir un lien direct entre elles, laissent perplexe pendant un moment. Il suffit d’un peu de patience car, comme dans Lost Highway, la structure en boucle impose d’attendre la fin. (...) L’ensemble dessine un tableau métaphorique d’une
Russie contemporaine marquée par le meurtre, la perte des valeurs, l’appât du gain et la corruption généralisée des pouvoirs publics.
Toutes les critiques de My Joy
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ellipses et travellings latéraux comme chez Tarkovski, mais sans résonance spirituelle ; changements de saison, changements d'époque imprévus comme chez Angelopoulos, mais sans décryptage politique connexe. Virtuosité sans beauté, absurde sans humour. Un film à hauteur d'homme, qui tire notre vertige et sa force de ne pas élever notre espèce au pinacle.
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My Joy porte un titre trompeur; la désespérance est partout, mais l'exaltation des paysages infinis et des solitudes glacées, l'originalité des situations, la dénonciation permanente d'une implacable violence compactée au fil des siècles font de ce film une oeuvre magnétique, où les trognes ont des allures d'icônes. Captivant.
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Fort heureusement, le film se fiche un peu de la symbolique et se donne plutôt en pure expérience. L'installation en elle-même importe à Serguei Loznitsa, lequel, plus tortionnaire scientifique que sociologue, enregistre le large spectre de nuances qu'induit la plus infime variation d'une séquence à une autre. D'où une schizophrénie savamment travaillée, et foncièrement dynamique : le spectateur se trouve à la fois abasourdi par le principe de répétition, et intrigué par tout ce qui change. En cela, la séquence finale est un modèle du genre, où l'on revient de nuit dans un commissariat isolé sur le bord d'une route, souvenir embrumé de l'ouverture, au point précis où le périple en camion a commencé. Un nouveau film semble commencer, version fantomatique du premier, mi-dédoublement cauchemardesque, mi hors-champ fantasmé. Aliénation maximale du récit, resserrement des espaces : c'est au plus fort de la saturation et de l'épuisement que My joy trouve son amplitude rêvée.
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Construit comme une fugue avec de discrètes reprises, My Joy a la particularité de filmer l'enfouissement, l'égarement existentiel, physique et historique, avec une frontalité inattendue. Eprouvant voyage, certes, mais avènement d'un cinéaste.
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Une fois que cette violence a fait irruption dans la vie du camionneur, le film est pris dans une spirale qui va sans cesse se rétrécissant. Commencé dans un été luxuriant, le film se termine en hiver dans une neige faussement virginale qui ne fait qu'étouffer les cris et les crimes. Sans rien dévoiler de l'intrigue, on peut quand même prévenir que My Joy est une parfaite antiphrase, et qu'il est surtout ici question de douleur.
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C'est un film intraitable. Ambitieux. Inventif : on songe à ce plan étonnant où, dans une foule, le héros se fait bousculer par un type, porteur de la violence bornée, obtuse, qui semble avoir envahi les esprits. Film suffisamment orgueilleux, aussi, pour frôler, après une première heure splendide, un côté donneur de leçons très appuyé. C'est que, comme bien des Slaves - Tolstoï ou Soljenitsyne, pour ne citer que les plus grands -, Sergueï Loznitsa aime bien jouer les prophètes, voire les Cassandre. Eclairer le sombre destin du monde. Ce que le cinéaste détaille ici, c'est tout simplement l'intolérable disparition de l'humain en l'homme : comment, à force d'intolérance, d'incompréhension et d'aveuglement, la Russie est devenue ce qu'elle est, ce pays de dingues privés d'âme...
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Embarquant d'abord le spectateur dans un road-movie presque burlesque, jalonné de rencontres bizarres (un marginal sans nom, une prostituée mineure, des flics ripoux), My Joy éclate ensuite en vol : le scénario s'égare entre flashbacks et tentative de film choral à la Inarritu, reliant artificiellement des destins séparés. Cette structure inutilement alambiquée dessert le film, plombé par son attrait du sordide, comme lors de cette scène de sexe nécrophile, mais parcouru de séquences fortes dénonçant la corruption et le déclin de l'ex-URSS à travers le destin fracassé d'un Candide. Changé en brute par la violence d'un pays décadent, ce truck-driver suit une route, beckettienne, qui ne mène nulle part : l'allégorie est intéressante, mais en partie gâchée par le cinéaste, qui semble d'abord vouloir en mettre plein la vue. Dommage.
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C’est « Alice au pays des merveilles » version barbare. Réalisation glaciale, absence d’émotion, refus de toute psychologie ou de toute logique : Loznitsa a réalisé plusieurs documentaires sur l’arrière-pays, et en a tiré les éléments de son scénario. C’est à la fois terrifiant et puissant, atroce et fascinant.
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Pour ce qui est du fond, le doute plane toujours. De quoi parle-t-on ? D'un simple état des lieux de la misère humaine ou d'un pays sérieusement traumatisé par la guerre ? Impossible de mettre le doigt sur le propos d'une errance aussi obscure.