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Guide critique pour pénétrer le mystère et la beauté du dernier Malick.

Rick (Christian Bale) est un scénariste en vue à Hollywood. Plongé dans une angoisse existentielle profonde, il erre dans le désert, symbole du vide de sa vie. Les souvenirs affluent au cours de son errance : il se souvient des femmes aimées, des garden-parties somptueuses, mais aussi des relations conflictuelles avec son père et son seul frère encore vivant.

Il est éclairant de reconsidérer Tree of life à l'aune de son nouveau film, Knight of Cups. Même chez les plus fervents admirateurs de Terrence Malick, des scènes de la Palme d’or 2011 avaient du mal à passer : la parenthèse de la création de l’univers pour certains, les scènes contemporaines avec un Sean Penn contrit pour d’autre et, pour une large majorité, le finale réconciliateur où tout le cast se tombait dans les bras sur une plage. On ne sait pas si Malick lit les critiques, sans doute s’en moque-t-il autant que d’écrire un scénario en trois actes, mais Knight of Cups ressemble à une fin de non-recevoir face à ces réserves. Tous ces moments limites sont désormais les seuls qui le passionnent et il les filme avec une obsession quasi pathologique, comme un peintre dans sa période bleue. De la création du monde, il a en tiré un long métrage à part entière (Voyage of time) qui sortira un jour ; des scènes modernes, il en a fait le terrain d’exploration de ses trois films post Tree of life (A la merveille hier, Knight of Cups aujourd'hui, son prochain film situé à Austin avec Ryan Gosling demain) ; de la plage le lieu où Christian Bale emmène toutes ses conquêtes dans Knight of cups. Rétrospectivement, Tree of life ressemblerait presque à un brouillon. "Brouillon" : le mot est sans doute exagéré devant pareil chef d'œuvre. Disons plutôt, pour continuer à filer la métaphore picturale, que Tree of life serait une fresque dont Malick extrairait désormais des détails, pour les transformer en d'autres toiles de la dimension de l'œuvre originelle.

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Les plus belles scènes de Terrence Malick

Le style, parlons-en. Si on associe le cinéma d’auteur ou expérimental à une forme de pose, de lenteur, d’affectation, de minimalisme, Knight of Cups constitue l’extrême inverse de cette vision des choses. C’est au contraire un torrent de plans terrassants, un défilé de femmes sublimes, une plongée vertigineuse dans un Los Angeles dévoré par un urbanisme délirant –  on pense beaucoup aux derniers Michael Mann et en particulier à Collateral, une playlist pointue allant de l'entêtant Exodus de Woijech Kilar à l’extraordinaire morceau de Dubstep Ashtray Wasp de Burial, un maillage sonore complexe où se mêlent voix off des acteurs principaux à des sources extérieures (des pièces radiophoniques où Charles Laughton lit des textes religieux, Ben Kingsley narrant Le voyage du Pélerin, et on entend même le Major Briggs de la série Twin Peaks !), en somme une œuvre bouillonnante visant d’abord à l’épuisement physique de son spectateur pour mieux le faire entrer dans une forme sinon de méditation, du moins d'abandon.

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Certains seront déconcertés par le caractère radical du projet qui n’offre ni personnages, ni histoire auxquels se raccrocher. Knight of Cups est un voyage mental où une caméra en apesanteur traverse les lieux sans s’attarder et où Christian Bale a l'évanescence d'une projection astrale, revisitant des scènes de son passé amoureux ou familial tel un fantôme errant (plus d’une fois, on pense au héros de La Jetée de Chris Marker apparaissant et disparaissant à différents moments du temps). Malick conçoit un cinéma d’une humanité sans pareil où la moquerie et le cynisme n'ont pas leur place. Si le monde dans lequel évolue son héros est une illusion (Hollywood, Las Vegas, ses fêtes, ses créatures, son vide), Malick sait combien la Beauté du monde se niche aussi dans cette illusion.  Qui mieux que lui pour filmer la pyramide et le sphinx en toc de l'hôtel Luxor de Vegas, ou un sosie d’Elvis Presley, avec le même émerveillement que s’il était devant les vrais ? Dans le cinéma malickien, la tendresse est tout autant adressée à l’ancienne épouse (Cate Blanchett) qu’à la conquête du moment (Teresa Palmer désignée comme la « grande prêtresse », sans doute la fille la plus inoubliable du casting), au riche qu’au pauvre, à la star qu’au figurant, au playboy tentateur (Antonio Banderas) qu’au prêtre, à la religion qu’à l’ésotérisme, à l’humain en général qu’à l’insecte en passe de se noyer dans une piscine. Knight of cups réussit le mariage contre nature de l'impudeur et de la bienveillance.

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Si la fin apporte un semblant de réponse quant au destin de son personnage, sans doute est-elle aussi illusoire que le reste. Car finalement, cet homme exilé dans un désert où scintillent les astres comme des néons est finalement le même que celui qui trace sa route au volant de sa décapotable sur les échangeurs de L.A. tandis que les panneaux publicitaires ornés de mannequins sublimes éclairent la nuit comme des étoiles. Le cinéaste a beau s'attacher à un personnage déconnecté du monde, un  chevalier - « Knight » - dont la quête sans fin est de rassembler les continents à la dérive de son monde intérieur, le film lui, les réconcilie par la seule grâce de son regard.

Knight of Cups en salles le 25 novembre.