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Laetitia Dosch porte à bout de bras Jeune femme, Caméra d’Or du dernier Festival de Cannes. 

Mise à jour du 31/01 à 15h : Laëtitia Dosch est nommée au César 2018 du meilleur espoir féminin pour son rôle dans Jeune femme. L'occasion de remettre en avant cette interview réalisée en novembre dernier à l'occasion de la sortie en salles du film.

"Ça vous embête pas si je mange ? Je vais articuler, vous inquiétez pas…". D’entrée, Laetitia Dosch instaure une familiarité qui résonne avec ses personnages déjantés créés sur scène, notamment dans Laetitia fait péter…, un “seule en scène” un peu creepy dans laquelle elle incarnait une femme désinhibée, totalement trash et obscène qui créait un malaise palpable dans les salles. Dans la vie, rien de tout ça. L’actrice franco-suisse est polie et douce, pas réservée pour un sou mais respectueuse de son interlocuteur. Bref, elle ne mord pas contrairement à Paula, l’héroïne imprévisible de Jeune femme, un rôle en or de marginale qui traîne son mal-être dans un Paris inhospitalier et froid.

Quiconque connaît votre travail d’artiste va trouver des points communs avec cette Paula speedée, mal embouchée, désarmante… Qu’est-ce qui est de vous dans ce personnage ?

Léonor Serraille, la réalisatrice, a écrit Paula en pensant à Patrick Dewaere. Elle ne m’avait pas du tout en tête. En voyant des vidéos de moi, elle a eu l’impression de ne pas comprendre mon visage. Il lui échappait. Ça lui a plu. Puis, en découvrant mes spectacles, elle a perçu une certaine violence qui correspondait à ce qu’elle recherchait.

Vous êtes-vous nourries l’une l’autre ?

Tout le temps. Paula était écrite d’une certaine manière mais quand on est actrice, on fait venir les personnages à soi. Personnellement, j’aime entrer dans mes rôles longtemps à l’avance, les faire interagir avec les gens dans la rue.

Comment cela ?
J’ai accosté des gens en en agissant comme si j’étais Paula, en les regardant et en leur parlant d’une façon définie. Je me suis également demandé comment je marcherais si j’étais seule dans Paris, ce que je remarquerais… Ça m’a apporté plein de réponses à des questions que je me posais sur le personnage, notamment sur son instinct de survie, presque animal.

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Son côté désinhibé a quelque chose de vos personnages sur scène, non ?

Oui. Comme elles, Paula explose les limites des rapports sociaux et de ce qu’on attend d’une femme, précisément dans ce cadre-là.

Vous sentez-vous à l’aise avec ce type de personnages ?

Pas particulièrement. En tant qu’actrice, je veux me sentir en phase avec tout et n’importe quoi ! En revanche, je suis touchée par les idées que le film draine : le fait qu’une femme puisse s’exprimer librement, j’adore ; qu’on évoque un monde où les gens ne sont jamais ce qu’ils paraissent être, aussi.

Léonor dit qu’elle vous a choisie parce que vous pouvez passer du plus parfait anonymat au glamour en un clin d’œil. Ce n’est pas quelque chose qui se cultive, j’imagine ?

C’est un peu mon travail quand même ? (elle sourit) À mes débuts, cela m’a posé des problèmes car les réalisateurs ne savaient pas comment me caser. J’étais étonnée. Peut-on réellement décrire quelqu’un et l’emprisonner dans quelque chose ?

La comparaison avec Dewaere ou Gena Rowlands n’est-elle pas écrasante ?

Je préfère qu’on me compare à des gens que j’admire, j’ai envie de vous dire. Et puis, cela donne une indication, une couleur.

Y a-t-il des directions que Léonor vous interdisait de prendre ?

Elle le faisait en se référant à des films sur les femmes. Par exemple, elle n’aime pas Frances Ha, auquel on pourrait penser, car les blagues y font trop blagues, selon elle. Même chose pour Sue perdue dans Manhattan qu’elle préfère mais qui est trop triste. Parler de Dewaere et Rowlands était une bonne idée car je savais que je devais balancer entre légèreté et gravité en permanence.

Après La Bataille de Solférino, en 2013, on pensait qu’à l’instar de votre partenaire Vincent Macaigne, vous alliez exploser. Et puis, vous vous êtes fait discrète…

Le personnage était mat, il avait perdu de son charme, c’était beau à jouer mais peu valorisant. J’imagine que les gens ont cru que j’étais comme ça dans la vie.

Avez-vous été frustrée ?

Bien sûr. J’ai toujours été critiquée pour ma personnalité disons atypique. Je me souviens de commentaires très agressifs dans l’émission Le Masque et la Plume qui m’ont profondément blessée. Je pense que si j’évoluais à une autre époque, cela aurait été différent. Des actrices comme Bernadette Laffont avaient cette liberté, cette singularité que je trimballe.

Il y a un phénomène Laetitia Dosch un peu underground pour l’instant. Ça vous va ou vous aimeriez être plus populaire ?

J’aimerais que beaucoup de gens voient Jeune femme. C’est une histoire très simple, très accessible. Lors des avant-premières en province, les gens ont été touchés, j’ai trouvé ça génial. Le film a, je pense, le potentiel populaire d’une comédie d’auteur comme La Nouvelle Ève. Ensuite, si cela pouvait donner envie à des réalisateurs, d’abord de m’embaucher, ensuite d’écrire des portraits de femme aussi complexes… Ça manque au cinéma français.