Et soudain un loup-garou surgit dans les Pyrénées et sur nos écrans ! Dans Teddy, le jeune héros a les poils qui poussent dangereusement. Entretien.
D’où vient cette idée d’un film de loup-garou dans les Pyrénées ?
Zoran Boukherma : D’un court-métrage auto-produit durant l’été 2017, tourné avec un téléphone portable. Notre mère, une amie et notre petit frère composaient l’essentiel du casting. Dans la maison où nous passions nos vacances, il y avait un déguisement de loup-garou, un masque et des fausses mains poilues. Avec Ludovic [son frère jumeau et coréalisateur de Teddy], nous avons immédiatement arrêté l’écriture de notre deuxième long-métrage [après Willy 1er en 2016] qui s’enlisait pour écrire un petit film d’horreur vite fait. Ça nous a totalement débloqué. L’insouciance avec laquelle nous avons écrit ce court-métrage, nous a guidé pour la suite...
Le ton de ce court-métrage ressemble-t-il à celui de Teddy aujourd’hui ?
Oui. C’était déjà volontairement comique. Nous pensions que l’idée même d’un film de loup-garou allait entraîner du décalage. Ce petit film était tout de même très expérimental. Au-delà même du ton général, il y avait une envie de créer de l’angoisse, un peu à la façon des films d’horreur que nous regardions ados ...
Le film de loup-garou est presque un genre en soi. Comment se réapproprier un imaginaire principalement anglo-saxon ?
Nous voulions faire se rencontrer l’imagerie américaine des films que nous regardions ado et le Sud-Ouest dans lequel nous avons grandi. Nous n’aurions pas pu imaginer un film de loup-garou sans cet ancrage territorial précis. Nous mettons la figure du loup-garou au service d’une thématique sociale. Teddy est le portrait d’un gamin qui se marginalise de plus en plus. Une colère grandissante s’empare de lui mais plutôt que de la traiter de manière naturaliste, nous avons utilisé le mode fantastique. En 2017, durant l’écriture, le souvenir et le traumatisme des attentats de 2015 étaient encore très présents dans notre esprit. Se posait alors la question de ces gamins qui deviennent des monstres. Nous avons abordé la chose de façon très primitive à travers l’itinéraire d’un jeune homme qui en devient un.
Dès la première séquence, très drôle d’ailleurs, Teddy se place lui-même à la marge en se moquant des habitants de son village...
... Teddy ne revendique rien, c’est un « loup » solitaire, victime d’une malédiction. Cette malédiction répond toutefois à une vie qui le place à la marge : un travail dans lequel il ne s’épanouit pas, un complexe vis-à-vis de la famille de sa copine, le rejet des jeunes de son âge... Inconsciemment, tout ça joue dans sa transformation. C’est vraiment la dualité de la figure du loup-garou qui nous intéresse ici. Le jour, il est tout à fait normal, la nuit, il exprime des pulsions dévastatrices. Des pulsions qui le font commettre des actes dont il ne se souvient plus au réveil. C’est une victime.
En quoi le Sud-Ouest était un territoire de jeu idéal ?
Faire le pastiche d’un film d’horreur américain ne nous intéressait pas. En France, le cinéma fantastique existe très peu et nous voulions qu’il s’incarne dans un territoire national. Nous avons grandi dans le Sud-Ouest. Le décalage produit par le lieu même de l’action perpétuait le ton de Willy 1er. L’ancrage dans le Sud-Ouest nous a aussi aidé à ne pas nous perdre en route, à suivre le bon cap.
Teddy n’est pas un film qui use de beaucoup d’effets mais joue plutôt la carte de la dissimulation, de la retenue...
En effet, il y a une utilisation diffuse du fantastique. Le fantastique marche beaucoup mieux lorsqu’il fait appel à l’imaginaire du spectateur. Je me souviens d’une déception à la vision de Rencontres du troisième type de Steven Spielberg quand nous étions enfants. Toute la partie où l’on ne voyait pas les extra-terrestres était fascinante, on distinguait des signes ici et là. A partir du moment où ils apparaissaient physiquement à l’écran, la magie disparaissait. C’est pour cela que l’on ne montre le loup-garou qu’à la toute fin et encore de manière très discrète. On ne voulait pas décevoir. De plus, nous n’avions pas les moyens de rivaliser avec des films comme Le loup-garou de Londres de John Landis ou Hurlements de Joe Dante, des modèles du genre.
Qui a conçu le loup-garou ?
Chris Calcus, qui s’est occupé de la direction artistique du vaisseau de la série Missions sur OCS. Cela a représenté quatre mois de travail. Le costume en latex mesure deux mètres. Même si le travail était bon, ça ne marchait pas à l’image. Au montage, nous avons donc caché au maximum la bête. Pour notre prochain film, L’année du requin [avec Marina Foïs, Kad Merad...], nous avons fait fabriquer un requin robotisé de cinq mètres...
L'Année du requin : les réalisateurs de Teddy en mode Les Dents de la merComment avez-vous choisi Anthony Bajon pour incarner Teddy?
Au départ, nous cherchions un acteur originaire du Sud-Ouest, mais en voyant La Prière de Cédric Kahn, nous avons voulu rencontrer Anthony. Il y a eu une évidence. Teddy n’est pas un personnage très sympathique dans son rapport aux autres. Il fallait toutefois créer une empathie pour lui. Anthony a apporté la solution. C’est quelqu’un d’adorable, de doux, d’enfantin. Il est immédiatement attachant.
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