The Watcher : la série de Netflix s'inspire de deux histoires vraies
Netflix

Deux enquêtes qui ont fait frémir les habitants du New Jersey, mais pas à la même période.

Après avoir cartonné durant trois semaines grâce à Dahmer, la série "true crime" choc retraçant les crimes du serial killer ayant sévi de 1978 à 1991, Ryan Murphy (American Crime Story, Hollywood, Ratched...) revient déjà sur Netflix avec un nouveau show, The Watcher, co-créé une fois encore avec Ian Brennan (Glee). Proposé depuis vendredi, celui-ci a battu des records de visionnages tout le week-end. Quatre ans après avoir signé un contrat avec le service de streaming, à hauteur de 300 millions de dollars, on peut dire que ce partenariat porte ses fruits ! 

The Watcher est un thriller au concept tordu, qui s'inspire non pas d'une, mais de deux histoires vraies, mélangées pour rendre l'intrigue encore plus accrocheuse (pour Dahmer aussi, quelques éléments réels avaient été modifiés pour rendre l'intrigue plus fluide). Voici les détails, mais attention, tout ce qui suit contient des spoilers.

 


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Le "Veilleur" a bien sévi, en 2014, à Westfield, dans le New Jersey
Dans la série, la famille Brannock débourse 3,3 millions de dollars pour pouvoir emménager dans une magnifique maison du New Jersey, au n°657 Boulevard, à Westfield, précisément. Ils quittent avec joie leur appartement de New York pour s'installer au calme, mais très vite, leur voisinage les inquiète et un mystérieux "Veilleur" se met à leur envoyer des lettres, au ton de plus en plus menaçant.

Dans la vraie vie, le couple incarné par Bobby Canavale et Naomi Watts s'appelle Derek et Maria Broaddus. Ils n'ont pas deux enfants, mais trois, et pas de furet. La maison qui leur plait tant est un peu différente de celle montrée dans la série, car comme elle est aujourd'hui habitée, l'équipe n'a pas pu tourner à la véritable adresse. On le sait, car la société qui l'a revendue après cette affaire, qui a fait du bruit en 2014, en étant notamment racontée dans le New York Times, avait tourné une vidéo promotionnelle pour la présenter à de potentiels acquéreurs. L'équipe décoratrice n'a pas cherché à la reconstituer parfaitement, simplement à s'en inspirer pour filmer une belle maison, décorée avec soin et mettant en avant ses grandes pièces, sa luminosité, ses nombreuses fenêtres (un élément crucial pour un show traitant de la paranoïa)... 

Dans la réalité, cette demeure a coûté moins cher à la famille : 1,3 million de dollars. La mère, qui était originaire du coin, voulait en fait se rapprocher de ses proches, ce qui n'est pas du tout montré dans la série. Pour le reste, l'intrigue est similaire à ce qui s'est réellement passé : le couple a emménagé dans la quarantaine, et ils ont rapidement reçu une lettre adressée aux "nouveaux propriétaires" expliquant que "The Watcher" veillait sur eux. Se faisant de plus en plus menaçante, elle finissait comme dans le show par : "Avez-vous besoin de remplir la maison avec le sang frais que j’ai demandé ? Est-ce la cupidité qui vous pousse à amener vos enfants ici ? Une fois que je connaîtrai leurs noms, je les appellerai et les ferai venir à moi." Deux lettres sont arrivées, le 18 juin et le 18 juillet 2014, à chaque fois avec des menaces inquiétantes : "Qui dort dans la chambre face à la rue ?, demandait la deuxième. Je le saurai dès que vous emménagerez. Je pourrais savoir qui se trouve dans quelle chambre pour que mon plan soit encore meilleur."

Contrairement à ce qui est montré dans ces sept épisodes, il n'y eu plus d'autres lettres, et quand elles sont arrivées, la famille ne vivait pas encore là à temps complet, leur déménagement s'étant étalé durant l'été. Le père de famille a tout de même pris ces messages très au sérieux, a contacté la police, qui a relevé l'ADN sur les enveloppes et feuilles de papier et en a déduit que le Veilleur était une femme. Le couple a suspecté des voisins jaloux, puisque l'une des menaces citait le surnom de leurs enfants, ce qui laissait penser que le Watcher était assez près de chez eux pour les entendre. Derek et Maria ont décidé d'attaquer les anciens propriétaires de la maison, considérant que ceux qui leur avait caché les menaces du Veilleur, mais ces derniers ont affirmé face à la police n'avoir jamais reçu de telles lettres, alors qu'ils avaient vécu dans cette maison durant deux décennies.

Six mois après l'arrivée des lettres, la famille Broaddus a quitté les lieux, et elle a peiné à trouver de nouveaux acheteurs : ce n'est qu'en 2019 que la maison a finalement été revendue, à 959 000 dollars, ce qui représente tout de même une perte de 400 000 dollars par rapport à leur somme d'achat cinq ans plus tôt. Les occupants suivants n'ont plus reçu de lettres, alors comme dans la série, le Watcher n'a finalement pas été identifié.

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John List : des crimes qui remontent à 1971
Dans la série, on apprend de la part de la détective privée (Theodora Birch) qu'un certain John Graff (joué par Joe Mantello, déjà dans Hollywood de Ryan Murphy), qui vivait dans la maison au milieu des années 1990, y aurait tué toute sa famille. Ces crimes ont réellement eu lieu, dans le New Jersey et pas très loin de l'endroit où se déroule l'intrigue de The Watcher, mais c'était en 1971 et les deux affaires ne sont a priori pas liées : comme dans la série, d'ailleurs, où Theodora fait comprendre qu'elle s'est inspiré de ce fait divers sordide pour effrayer Dean et sa famille et les pousser à déménager. Le véritable tueur s'appelait John List, il a effectivement perdu son travail et fait croire à ses proches qu'il continuait de se rendre au bureau, tout en volant de l'argent à sa mère à la banque pour payer ses factures. Quand il fut sur le point d'être découvert, il a bien tué tous les membres de sa famille, en prenant le temps de déjeuner un sandwich avant d'aller chercher son fils au sport, de le ramener à la maison, et de lui tirer dessus à de multiples reprises. Ayant découpé son visage de toutes les photos familiales, il est parti en cavale juste après les meurtres, qui ont été découverts au bout d'un mois. Il a ensuite pu refaire sa vie dans un autre état, s'est remarié, et a échappé à la police durant 18 ans, jusqu'à ce que l'une de ses voisines le reconnaisse d'après une photo sur la liste des criminels les plus recherchés d'Amérique. C'était en 1989. Il a ensuite écopé de cinq peines de prison à perpétuité, et il est mort incarcéré, en 2008, à l'âge de 82 ans. La maison dans laquelle il a tué toute sa famille a été brûlée un an après les faits.

En liant ces deux histoires, Ryan Murphy et Ian Brennan (ainsi que leurs co-scénaristes Reilly Smith et Todd Kubrak, qui ont tous les deux collaboré sur Dahmer et American Horror Story) jouent avec la réalité, pour apporter davantage de suspense et de twists. La théorie selon laquelle les voisins feraient partie d'une secte kidnappant et tuant des bébés pour boire leur sang est certainement inspirée de théories du complot fumeuses, partagées notamment par des membres de QAnon. D'ailleurs, le fait que l'agent immobilier jouée par Jennifer Coolidge s'appelle Karen n'est certainement pas un hasard non plus : on peut clairement le prendre comme une critique des complotistes actuels, des anti-masques en temps d'épidémie de Covid-19, par exemple. En transposant l'intrigue en 2022, et non en la laissant en 2014, une période qui n'est pourtant pas si lointaine, The Watcher s'adresse directement aux spectateurs d'aujourd'hui, tout en dénonçant des travers de la société actuelle. Et la thématique de la paranoïa, de l'observation entre voisins, permet d'aborder des questions aussi diverses que les différences de classe, le racisme ou le complotisme.

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