Première
par Sylvestre Picard
Le retour de Kong dans les années 70 est un modèle de blockbuster divertissant.
Il suffit parfois d'un léger changement de contexte pour rafraîchir un concept que l'on croyait complètement périmé. En l'occurrence, le mythique King Kong était habitué aux années 30, date de sa création, et ne s'était risqué à la modernisation qu'en 1976 (avec le reboot de John Guillermin starring Jessica Lange). En accomplissant son fantasme de remake de Kong, Peter Jackson avait respectueusement situé son film dans les années 30. Mais les têtes pensantes du studio Legendary, en imaginant une franchise à la Marvel intégrant Kong à l'univers esquissé par le Godzilla de Gareth Edwards, sentaient bien qu'ils ne pouvaient pas appliquer au roi des singes le même traitement qu'au gros lézard radioactif. Il fallait un changement de contexte, un peu à la façon des Elseworlds de chez DC Comics qui imaginaient Batman en cow-boy ou Superman élevé en URSS. Place, donc, à King Kong version 1973. L'image séminale est celle-ci : des hélicos de l'armée sur fond de soleil couchant face à la silhouette titanesque de Kong. King Kong plus Apocalypse Now. Le genre de pitch immédiatement excitant, façon X-Men Le Commencement (les Mutants dans les sixties), l'un des meilleurs films de la saga.
Le réalisateur Jordan Vogt-Roberts (le joli conte 80s The Kings of Summer, remarqué à Sundance) s'amuse alors à envisager son Kong : Skull Islandcomme un spin-off ludique et monstrueux du classique de Coppola, avec ses soldats en hélico qui accomplissent des missions de bombardement au son de classiques du rock 70s (voir notre étude de la playlist ici). Une sensation accentuée par les noms des personnages, qui font référence à Au cœur des ténèbres (Tom Hiddleston joue un certain Conrad, John C. Reilly s'appelle Marlow...). Mais la scène d'ouverture du film, un duel entre un pilote japonais et un Américain échoués sur Skull Island pendant la Guerre du Pacifique avant d'être interrompus par Kong lui-même, concentre bien cette énergie ludique qui l'anime du début jusqu'à la fin. Le cinéma comme un grand parc d'attractions : bienvenue sur Skull Island. Araignées géantes ! Dinosaures-fossiles animés ! Tribus perdues ! Tempêtes titanesques ! Paysages majestueux ! Réjouissant tour de grand huit, Kong : Skull Island est plus proche de Jurassic World (c'est un compliment) que d'un pensum assommant sur la guerre en tant que monstruosité. Au fil de ses scènes de bastons monumentales (Kong est visuellement bluffant), le film nous rappelle que les monstres géants sont la chose la plus amusante du monde.