Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
AMBULANCE ★★★☆☆
De Michael Bay
L’essentiel
Armé d’un argument à la Speed – une ambulance folle lancée à toute allure dans Los Angeles – Michael Bay signe une série B supersonique et surexcitante.
Le pitch fait bien sûr penser à Speed : après un braquage qui a mal tourné, deux bandits (Jake Gyllenhaal et Yahya Abdul-Mateen II) s’enfuient dans une ambulance en compagnie d’une secouriste prise en otage (Eiza Gonzalez) et d’un flic agonisant – les forces de l’ordre ne peuvent donc pas tirer sur le véhicule pour l’arrêter et une course-poursuite monstrueuse s’engage sur les freeways de L.A. Mais si une humeur nineties parcourt Ambulance, c’est surtout un film d’ici et maintenant, le réalisateur ayant profité de l’état de semi-léthargie dans lequel était plongé Los Angeles, à cause des restrictions sanitaires, pour envisager la ville comme un immense terrain de jeu. Dans un premier temps, il apparaît d’ailleurs presque trop ivre des possibilités qui s’offrent à lui. Mais Ambulance fonctionne selon un pur principe d’inflation et d’entropie. Quelques dérapages dopés à l’humour noir rappellent les moments les plus perchés de Bad Boys 2 et donnent à l’ensemble des airs de manifeste glorieusement anar et joyeusement kamikaze. La profession de foi d’un vrai cinglé de cinéma.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
BRUNO REIDAL, CONFESSION D’UN MEURTRIER ★★★★☆
De Vincent Le Port
1905. Au fin fond du Cantal. Bruno Reidal, le héros malheureux et/ou maléfique de ce premier long-métrage de Vincent Le Port, un corps d’homme-enfant vouté à la voix fluette, est arrêté pour avoir très sauvagement assassiné un gamin de 12 ans par décapitation. L’histoire est vraie et a défrayé en son temps la chronique. Reidal se retrouve alors devant juges et surtout médecins, qui lui demandent de réfléchir à son acte et, pour l’aider à trouver la lumière, de coucher son histoire par écrit. L’exercice va dépasser l’entendement. Car Bruno Reidal est certes un monstre mais aussi un esprit supérieur, un écrivain né. Vincent Le Port s’est plongé dans les mémoires du jeune séminariste pour en extraire un texte dit d’une voix-off dépourvue d’affect par son interprète (l’étonnant Dimitri Doré). Et, découvert à la Semaine de la Critique cannoise en juillet dernier, son Bruno Reidal a autant frappé les esprits par la grâce de sa mise en scène que son oppressante brutalité.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
LA BRIGADE ★★★☆☆
De Louis- Julien Petit
Second de cuisine chez une cheffe très médiatisée, Cathy (Audrey Lamy) rêve de diriger son propre restaurant. À bout, elle quitte son travail sur un coup de tête et décroche un poste de cantinière dans un foyer pour jeunes migrants sans papiers… Sur ce sujet sur le papier propice aux débordements larmoyants, Louis-Julien Petit signe un film sincèrement positif, transformant subtilement un récit à la première personne en aventure chorale. Ça paraît tout simple, mais il faut beaucoup de maîtrise pour insuffler à cette histoire autant de vie, de mouvement et de naturel. L’astuce se trouve certainement en partie dans le casting, peuplé d’acteurs d’acteurs non-professionnels (les jeunes du centre, vrais migrants) et de seconds rôles brillants (Chantal Neuwirth et François Cluzet). Mais c’est bien Audrey Lamy qui emporte le morceau, récompensée à juste titre du prix d'interprétation au Festival de l’Alpe d’Huez. Un vrai bon moment de cinéma feel-good populaire.
François Léger
Lire la critique en intégralitéLE DERNIER TEMOIGNAGE ★★★☆☆
De Luke Holland
C’est un travail de longue haleine. Pendant 12 ans jusqu’à sa mort en 2020, Luke Holland est allé à la rencontre de la dernière génération vivante à avoir participé au Troisième Reich. Et la phrase de Primo Levi qui ouvre son documentaire dit tout de ce qui va suivre : « Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux. Plus dangereux sont les hommes du peuple prêts à croire et à agir sans se poser de questions. » Ces questions Holland –qui nous fait grâce de toute voix off explicative – les pose à ceux qu’ils rencontrent. Il se révèle un confesseur hors pair, sachant selon les situations se taire ou pousser ses interlocuteurs dans ses retranchements. L’absence de tout remords de certains (l’un deux expliquant même les avantages économiques d’avoir un camp de concentration dans son quartier) comme les prises de conscience tardives des autres en font document aussi passionnant qu’éclairant.
Thierry Cheze
EN NOUS ★★★☆☆
De Régis Sauder
Dix ans après le remarquable Nous, Princesse de Clèves, Régis Sauder retrouve avec son nouveau documentaire plusieurs de ses protagonistes : la prof de français du lycée des quartiers Nord de Marseille où il avait posé sa caméra et quelques- uns de ses élèves pour qu’ils racontent face caméra, en off ou en dialoguant ce qu’il reste de ces espoirs de liberté, égalité et fraternité qu’ils revendiquaient. Tout sauf un catalogue, ces 100 minutes esquissent un portrait tout en nuances de la France d’aujourd’hui à travers des récits de vie parfois douloureux mais jamais misérabilistes, car mus par un désir d’échapper aux ornières programmées. Une ode au service public – particulièrement à une école et son rôle majeur d’ascenseur social, en dépit de moyens exsangues – qui témoigne de l’immense talent de confesseur d’un cinéaste qui s’efface (en images comme en mots) derrière ceux qu’ils filment.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPLUMES ★★★☆☆
De Omar El Zohairy
Lors d’une fête d’anniversaire, un père de famille se retrouve transformé par un magicien… en poulet ! Inutile de préciser que cet événement délirant emporte ailleurs la chronique sociale de l’Egypte d’aujourd’hui esquissée jusque là. L’absurde prend les commandes et ne les quittera plus pour raconter le personnage de l’épouse jusque là effacée qui va devoir s’improviser cheffe de famille et affronter un monde extérieur hostile Un parcours de la combattante qui contraste donc avec le ton du récit, cet humour pince- sans rire qui naît aussi de sa réalisation. Plumes se construit sur un enchaînement de plans fixes chiches en dialogues où le hors- champ tient un rôle essentiel. Rien ici n’est appuyé. On peut même s’y perdre mais Omar El Zoha tient bon la barre pour raconter un pays dont il juge la mutation obligatoire, à commencer par la place accordée aux femmes. Il n’a pas volé son Grand Prix à la Semaine de la Critique.
Thierry Cheze
FILS DE GARCHES ★★★☆☆
De Rémi Gendarme-Cerquetti
Rémi Gendarme-Cerquetti est un Fils de Garches, comprendre un ancien patient de l’hôpital Raymond-Poincaré, établissement de référence en matière de handicap, sis à Garches donc. Il se murmure que l’hôpital fermera ses portes en 2024 pour voir ses services transférer ailleurs. Une page ouverte en 1930 se tourne. En attendant, le cinéaste avance dans les méandres et les entrelacs des histoires qui abritent ce lieu. Il explique : « Là-bas [Garches], on soignait, on soignait… on réparait. On mettait droit et c’était dur. Je pars à la recherche des anciens enfants qui, comme moi, se rendaient là-bas pour se faire redresser. » Dans ce film la parole libère les corps, les souvenirs permettent d’appréhender des destins… Le handicap oblige à se confronter très tôt à l’idée de la mort. Vivre pour des personnes handicapés c’est souvent repousser les limites que d’autres voudraient à tout prix fixer. Un film sur l’espérance.
Thomas Baurez
L’ORIGINE D’UN MENSONGE ★★★☆☆
De Bouli Lanners
Bouli Lanners fait partie de ces acteurs qui sont des territoires à eux tout seul. Des territoires faits de paysages émotionnels ultra-résistants dont on observe les fissures et la permanence. Voir aujourd’hui l’acteur et cinéaste se confronter à un environnement qui lui ressemble offre une drôle d’impression. Ce troisième long-métrage de cinéaste a été tourné sur une petite île éloignée au Nord de l’Ecosse. La lande, les pierres, le ciel et la mer, imposent aux hommes qui l’habitent, une certaine droiture. L’Ombre d’un mensonge est une histoire d’amour entre un homme devenu amnésique (Lanners donc) et une femme qui profite de son oubli pour s’immiscer dans son intimité (Michelle Fairley révélée au monde par la série Game of Thrones). Lanners n’en fait pas un thriller mais une romance douce et sensible qui avance à tâtons. Une belle échappée en somme.
Thomas Baurez
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
DE NOS FRERES BLESSES ★★☆☆☆
De Hélier Cisterne
Hélier Cisterne (Vandal) propose ici un épisode relativement méconnu de la période trouble de la guerre d’Algérie. Le destin tragique de Fernand Iveton, le seul Européen guillotiné pendant ces années de conflit. Un ouvrier syndicaliste militant de l’indépendance arrêté après avoir posé une bombe dans un local désaffecté de son usine et directement mis sous la menace capitale malgré l’absence de victime ou de blessé. Cisterne choisit de raconter cette histoire par le prisme… d’une histoire d’amour. Celle qui liait Fernand à Hélène dont la famille afui le communisme pour venir se réfugier en France et qui se retrouve désignée « femme de traître ». Mais le scénario ne parvient jamais à trouver son équilibre entre les deux personnages et crée de la frustration en restant chez l’un comme chez l’autre à la surface des choses, malgré ses deux épatants interprètes, Vincent Lacoste et Vicky Krieps
Thierry Cheze
TROPIQUE DE LA VIOLENCE ★★☆☆☆
De Manuel Schapira
Déjà adapté en BD et en pièce de théâtre, Tropique de la violence de Nathacha Appanah, Prix Fémina des Lycéens 2017, connaît une nouvelle vie sur grand écran. Et en s’en emparant (avec la complicité au scénario de Delphine de Vigan), Manuel Schapira met le cap sur un territoire tout aussi oublié par le cinéma que par la République : Mayotte, terre de ce récit mettant en scène des mineurs isolés - venus illégalement des Comores et non- expulsables, livrés à eux- même dans un bidonville – et plus particulièrement un tout jeune nouveau- venu dans la bande, après la mort soudaine de la Française qui l’avait adoptée enfant. Mais cet intérêt sociologique évident ne suffit pas. L’écriture des personnages, trop réduits à des archétypes, manque de profondeur, et il manque surtout à réalisation un souffle façon La Cité de Dieu qui apporte au film une plus- value par rapport au roman.
Thierry Cheze
SEULE LA TERRE EST ETERNELLE ★★☆☆☆
De François Busnel et Adrien Soland
En 2012, dans le cadre de son émission « Les carnets de route de François Busnel » sur France 5, l’animateur de La Grande Librairie était parti à la rencontre de Jim Harrison dans le Montana. Dix ans plus tard, alors que l’écrivain est mort en 2016, Busnel lui consacre ce documentaire- hommage dont on peine à comprendre – alors que tout le monde se plaint de la trop grande multiplication des films en salles chaque semaine – ce qu’il fait sur grand écran. Evidemment, entendre la voix forte d’Harrison est toujours aussi puissant. Evidemment, le revoir sur ses terres a quelque chose d’émouvant. Evidemment, Busnel maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Mais que raconte t’il ou montre t’il qu’on ne sait déjà ? Et surtout quelle est la plus- value cinématographique par rapport à son travail pour la télévision. On cherche la réponse à ces questions tout au long de ce documentaire. Sans succès.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LE TEMPS DES SECRETS ★☆☆☆☆
De Christophe Barratier
Trente-deux ans après le dytique La Gloire de mon père/Le Château de ma mère d'Yves Robert, Christophe Barratier (Les Choristes) s’attaque au troisième tome des Souvenirs d’enfance de Pagnol. Le Temps des secrets se déroule dans les collines du Garlaban à l’été 1905, alors que le jeune Marcel sort de ses études primaires. Trois mois de vacances pour retourner à la nature et partager de nouvelles aventures… Barratier tente de secouer un peu la formule en prenant quelques libertés avec le texte et on s’émerveille devant la reconstitution de l’époque. Mais ça patine sévère côté émotions, malgré un casting généreux (Guillaume De Tonquédec, Mélanie Doutey et François-Xavier Demaison). Le film aurait certainement gagné à affûter son point de vue sur l’oeuvre de Pagnol.
François Léger
UNE MERE ★☆☆☆☆
De Sylvie Audcoeur
Un revenge- movie à la française. La chose est suffisamment rare pour qu’on y prête attention. Christian Carion s’y était récemment prêté avec Mon Garçon et son remake. On y pense d’ailleurs un peu ici. Le pitch diffère cependant. Une maman (Viard) ébranlée par la mort de son fils dans une bagarre, recroise par hasard l’assassin, tout juste libéré après avoir purgé sa peine. Que faire ? « Rien » lui dit son ex-mari. Mais Aline, c’est son nom, veut sa peau. C’est là que ça se gâte sérieusement. Voici Aline qui se tire à la campagne pour dégommer la tuyauterie de la résidence secondaire afin que le meurtrier, devenu apprenti-plombier, tombe dans ses filets. Le jeune homme va-t-il se prendre un coup de marteau derrière la tête en essayant de réparer le ballon d’eau chaude ? Question suspense, on repassera. Car à défaut de tension, c’est bel et bien la gêne qui envahit tout le cadre.
Thomas Baurez
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Le Grand jour du lièvre, programme de courts métrages
Les Petites mains, de Marion Conojero et Thomas Silberstein
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