Uncharted avec Tom Holland
Sony Pictures

Rarement le contraste entre cinéma et jeu vidéo aura été aussi bien illustré par la version cinéma d’Uncharted, à peine sauvée par l'énergie de Tom Holland.

Dans le monde d’avant, il était de bon ton de qualifier certains mauvais films de jeu vidéo pour les disqualifier. Désormais, plus personne ne peut sérieusement utiliser la comparaison avec un jeu vidéo pour tenter de casser en deux un film. Surtout quand on parle d’Uncharted : la série de jeux d’aventure lancée en 2007 avait justement pour proposition ludique d’émuler le frisson du cinéma d’aventure dans ce qu’il a de plus pur, de plus excitant. Autant vous dire que la version cinéma ne parvient pas à retrouver ce frisson. Le projet remonte à 2008, et a épuisé bien des réalisateurs et des acteurs, avant que les producteurs ne décident d’en faire un prequel mettant en scène un jeune Nathan Drake, futur aventurier globe-trotter. Pour l’instant, Nathan est un barman commettant de menus larcins, hanté par le souvenir de son frères aîné disparu en quête de richesses et de liberté. Le facétieux Sullivan (Mark Wahlberg, un temps envisagé dans le rôle de Nathan Drake) va le recruter pour partir à la recherche du fabuleux trésor de Magellan. Pourquoi pas.

Un sous-Benjamin Gates

Mais on se rend bien vite compte que le film, extrêmement bavard, mettra une bonne heure à démarrer, ne se réveillant complètement que dans son dernier tiers avec un combat entre bateaux aériens qui retrouve un peu de l’excitation provoquée par les jeux -tout ce qui précède cela ressemble à un sous-film, un sous-Dernière croisade mélangé à du sous-Benjamin Gates, Nathan et Sullivan devant résoudre des énigmes plus ou moins absurdes "sur toute la planète", celle-ci étant réduite à trois lieux peu exploités (New York, Barcelone et la Thaïlande), au temps pour l’exotisme planétaire. La mythologie est faiblarde : Indy partait chercher le Graal face aux nazis, Gates s’emparait de la Déclaration d’indépendance. Ici, Uncharted agite la menace d’une dynastie espagnole maléfique manipulant l’histoire, de l’Inquisition à Franco, dynastie dont la puissance de frappe se résume à une maigre bande de mercenaires, un avion gros porteur, et la présence d’un Antonio Banderas un peu fatigué.

Bien qu’il tente de bâtir une mécanique à plusieurs voix, montant des alliances et des trahisons entre Drake, Sullivan, la chasseuse de trésors Chloe Frazer (personnage principal de Lost Legacy, ici jouée par Sophia Ali) et la super-tueuse Jo Braddock (Tati Gabrielle), le film repose de fait énormément sur les épaules de Tom Holland. Mais ce dernier, au demeurant toujours aussi charmant, semble avoir bien du mal à jouer autre chose que sa partition juvénile de Spider-Man, son personnage tentant malgré tout de montrer qu’il est adulte en chopant la moindre occasion de picoler (même du rhum pirate vieux de cinq siècles). Cette faiblesse structurelle n’est pas masquée par les scènes d’action, chiches et sans consistance, qui n’ont même pas la force narrative minimale pour faire progresser l’intrigue. Bien que très balisés, les jeux Uncharted faisaient du joueur le moteur de l’action, le jeu devenant film par le truchement du gameplay.

Conclusion ? Le film Uncharted possède bien moins de cinéma que les jeux qu’il promeut. Justement, en parlant de promotion, Uncharted est le premier film labellisé PlayStation Productions : le logo qui ouvre le film compile les héros les plus emblématiques de la console de Sony. Ce studio prépare également un film (adapté du jeu) Ghost of Tsushima, qui aura la chance d’être réalisé par Chad Stahelski (John Wick). Mais au programme se trouve aussi la série post-apo The Last of Us qui a déjà réuni un générique plus qu’excitant : Pedro Pascal et Bella Ramsey devant la caméra, les producteurs de Tchernobyl et deux réalisateurs très intéressants (Kantemir Balagov et Jasmila Žbanić) derrière. Des projets qui sont sur le papier beaucoup, beaucoup plus excitants que ce Uncharted paresseux et inoffensif.