Toutes les critiques de Odete

Les critiques de Première

  1. Première
    par Olivier de Bruyn

    Affligé par le décès de son amant, Rui, jeune et beau mec de Lisbonne, voit apparaître dans sa vie désolée une fille étrange et hystérique, Odete, qui prétend être enceinte du défunt... Ultrastylisé, ce mélodrame tordu tente d'instaurer un climat ambigu et indécis. Hélas, la grandiloquence et la lourdeur symbolique usent rapidement les résistances.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Entre le mélodrame à la Douglas Sirk et l'obscurité nocturne et fantastique, Odete montre une réalité transformée par l'impossible perte de l'être aimé. Et réalise une angoissante métamorphose du genre.Dans Odete, João Pedro Rodrigues confronte sa mise en scène à cette idée que le réel est fragile, son évidence instable, que rien n'est jamais sûr. Il cherche à toucher les limites de la croyance en poussant plus loin celles de la vraisemblance. Autrement dit, le film demande : jusqu'où le monde peut-il être transformé si l'on veut que la représentation reste crédible ? (ou encore : jusqu'à quel point puis-je être bouleversé sans perdre la raison ?) À cela il répond par l'excès et prend la question à revers. C'est l'impossible qui met le mieux à contribution notre volonté de croire et qui suscite avec le plus de force notre désir de fiction. Ainsi Odete montre une réalité métamorphosée de fond en comble par l'impossible perte de l'être aimé.Comme l'indique son sous-titre « L'amour est plus fort que la mort », il est construit sur le modèle classique du mélodrame et trouve sa tension particulière dans l'écart posé par rapport à cette forme. Le film se situe quelque part entre les profondeurs critiques de Douglas Sirk, installant un monde de sombre violence sous la pellicule sentimentale et les couleurs chatoyantes de ses décors, et l'éclat séduisant des surfaces de Blake Edwards dont Rodrigues cite Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany's, 1961) à plusieurs reprises. L'importance qu'Odete donne à ce dernier film est remarquable. Il est l'objet toujours présent, le fétiche d'un partage affectif entre Rui (Nuno Gil) et son amoureux, Pedro (João Carreira) dont la disparition soudaine produit dès le début une déflagration affectant tous les personnages de la fiction. Quand Rui pleure devant sa télé en regardant seul Breakfast at Tiffany's, film qu'il avait l'habitude de voir avec son ami, se produit l'un des rares moments où, via le fétiche, la relation à l'être aimé est captée sur le vif. Car si Pedro domine la narration, sa réalité, elle, échappe au spectateur qui n'a pas eu le temps de le connaîtreCette situation conduit à deux développements distincts. D'une part, le mort laisse un vide dont l'indétermination permet qu'arrive à sa place l'événement le plus improbable: selon un parcours halluciné, Odete (Ana Cristina de Oliveira), sa voisine de palier, va s'enfanter elle-même pour renaître en Pedro. D'autre part, la présence paradoxale du mort qui influence tous les moments de l'action invite le spectateur à reconstituer son personnage à partir des indices, souvenirs, objets ou lieux fréquentés qui lui sont dévoilés à chaque plan. Les lignes de ces deux développements se rejoignent quand l'improbable, l'impossible est accompli, apportant dans le récit une force de stupéfaction telle qu'en effet, tout est transformé, non plus seulement pour les personnages réunis par la perte du même être aimé, mais aussi pour le spectateur, ses représentations admises, son imaginaire de la situation. Pedro est pour lui l'inconnu autour duquel se résout peu à peu l'équation bouleversante d'Odete.Ici, l'obscurité a pris le pas sur les lumières vives du modèle hollywoodien auquel le film fait référence. Du très sombre premier long métrage de Rodrigues O fantasma, on retrouve l'attirance pour la nuit, le dehors. Cette nuit est propice à l'intervention du fantastique dans le réel. L'accident de Pedro, l'amour post mortem que lui fait Odete renversée et enfouie dans les fleurs qui recouvrent sa tombe, puis l'évasion d'Odete devenu Pedro qui sort de l'hôpital pour rejoindre Rui, ont lieu la nuit et sont autant d'événements mettant en jeu le dehors en tant qu'il est risque et liberté de sortir de soi. Ainsi, ce dehors qui fait le ressort du mélodrame classique, l'inévitable enfer donnant sa mesure à l'amour qui en est le remède, est devenu omniprésent. Il interdit tout repli dans une intériorité, une intimité qui sont réduites à néant par la situation d'abandon où se trouvent les personnages. Significativement, au début du film, Odete dit à son compagnon vouloir changer de vie. Elle pense alors que la clé de ce changement sera apportée par l'enfant qu'elle veut avoir avec lui. Et si elle change en effet, c'est après leur séparation, non pas dans le sens du prolongement intime qu'aurait été l'enfant désiré, mais dans celui d'une confrontation angoissante à l'étrangeté absolue. Par vagues successives, nous la voyons donc s'éloigner d'elle-même en une sorte de mue radicale qui la livre au dehors. D'abord à la dépouille, puis à la tombe, la chambre, les vêtements du mort, jusqu'à l'incarnation de son absence qu'elle finit par produire, réalisant la métamorphose du genre que le cinéaste avait projeté. Odete Un film de João Pedro Rodrigues Portugal, 2005 - 1h41 Avec Ana Cristina de Oliveira, Nuno Gil, Joao Carreira Sortie en France : 11 janvier 2006[Illustration : © Pierre Grise Distribution]- Le site du film